Le rôle du genre dans les comportements à risque accidentel

Dossiers thématiques avril 2018 Comportement humainSécurité routièreTransport

Par Marie-Axelle Granié, Chercheuse en psychologie sociale du développement - Département TS2, Laboratoire LESCOT

Pensez-vous réellement qu’une femme au volant soit une plus grande source de dangers ? Les chercheurs soulignent des différences de comportements, pour les usagers de la route, en fonction du sexe. Tout l’enjeu scientifique est désormais de savoir si nous reproduisons des pratiques sociales liées à un groupe d’individus de même sexe.

 

Des différences de sexe dans les accidents et les infractions routières
Au niveau mondial, trois fois plus d’hommes que de femmes meurent dans des accidents de la route. Cela représente la plus forte différence entre les deux sexes dans les taux de mortalité attribuables à des blessures non-intentionnellesi.
En Europe, les hommes représentent 75% des personnes tuées sur la route. En France, cette différence est particulièrement visible chez les jeunes conducteurs : un tiers des conducteurs tués en France en 2015 avaient entre 18 et 24 ans, dont 86% d’hommes.
Par ailleurs, en 2015 les hommes composaient 82,5% des auteurs présumés responsables des accidents routiers, 92% des conducteurs alcoolisés impliqués dans un accident et 91% des conducteurs contrôlés positifs aux stupéfiantsii.

 

 

Le rôle du genre dans les comportements à risque accidentel - Ifsttar - Illustration Joël Yerpez - Tous droits réservés

Décrire et comprendre les différences de sexe dans les comportements …
Depuis plusieurs années, les travaux de l’Ifsttar explorent les caractéristiques psychologiques et sociales dans les comportements, à risque accidentels, des usagers de l’espace routier1. Grâce à des méthodologies variées (enquêtes par questionnaires, observations en situation réelle et expérimentations), ces recherches précisent les différences de sexe dans le rapport au risque et aux règles routières. Elles mettent notamment à jour les effets des attentes sociales, dès le plus jeune âge, sur les comportements des usagers des transports.
Les observations des comportements piétons montrent que, chez les enfants comme chez les adultes, les personnes de sexe féminin adoptent des attitudes plus conformes aux règles que les personnes de sexe masculin et prennent davantage en compte les comportements des autres piétons. Toutefois, si les garçons et les hommes sont moins conformes aux règles routières, ils explorent et cherchent davantage à contrôler l’environnement physiqueiii,iv.

 

… puis les expliquer

Des enquêtes psychosociales complémentaires ont permis d’étudier les facteurs psychologiques à l’origine de ces différences entre les deux sexes. Les résultats montrent que ces écarts reposent, en grande partie, sur la conformité des individus aux attentes sociales liées à leur groupe de sexe d’appartenance, c'est-à-dire le genrev.

Ainsi, plus que le sexe biologique, c’est la recherche de conformité aux rôles sociaux masculins, chez les garçons et les hommes, qui explique les comportements à risque qu’ils déclarent. Ces résultats sont observables dès l’enfance préscolairevi, mais aussi lors de l’adolescencevii,viii et chez les adultes qu’ils soient piétons, conducteurs d’automobiles ou de motocyclettesix,x.

Par ailleurs, ces travaux ont pu montrer que les femmes sont d’autant moins attirées par les comportements à risque sur la route, qu’elles se conforment aux attentes sociales liées à la féminité. Leur préoccupation, plus importante, pour le bien-être d’autrui agit alors comme un inhibiteur des infractions routières.

 

 

Ainsi, les différences de sexe dans l’accidentalité routière sont moins le résultat du sexe biologique que de la manifestation, par les hommes et les femmes, des comportements qui sont attendus d’eux par notre société. Déconstruire ces attentes sociales devient alors un enjeu important pour l’éducation routière.

 

 

1 Plusieurs recherches ont été menées au travers notamment de projets financés par le PREDIT (projet GENRES, 2005-2008), la Fondation Sécurité Routière (projets SICAP, 2007-2010 et PAAM, 2012-2015) et de thèses de doctorat à Aix-Marseille Université (dont deux cofinancées par l’Ifsttar et la Région PACA).

 

 


Pour aller plus loin ...

i Organisation Mondiale de la Santé / World Health Organization. (2002). Gender and road traffic injuries. Retrieved from Geneva, Switzerland: http://whqlibdoc.who.int/gender/2002/a85576.pdf?ua=1
ii Guenivet, A., Jamin, S., & Rousseau, T. (2015). Les infractions au Code de la Route. L'impact sur le permis à points. Bilan statistique de l'année 2014. Paris: Ministère de l'Intérieur. ONISR.
iii Granié, M.-A., Gender differences in preschool children’s declared and behavioral compliance with pedestrian rules. Transportation Research: Part F, 2007. 10(5): p. 371-382.
iv Tom, A. and M.-A. Granié, Gender Differences in Pedestrian Rule Compliance and Visual Search at Signalized and Unsignalized Crossroads. Accident Analysis & Prevention, 2011. 43(5): p. 1794-1801.
v Granié, M.-A., Genre et rapport au risque dans l’espace routier : de la compréhension au levier pour l’action. Questions Vives Recherches en Education, 2013. 9(19): p. 65-88.
vi Granié, M.-A., Gender stereotype conformity and age as determinants of preschoolers’ injury-risk behaviors. Accident Analysis & Prevention, 2010. 42(2): p. 726-733.
vii Granié, M.-A., Différences de sexe et rôle de l’internalisation des règles sur la propension des enfants à prendre des risques à vélo [Gender differences and role of internalization in children propensity to take risks as cyclist]. Recherche - Transports - Sécurité, 2011. 27(1): p. 34-41.
viii Granié, M.-A., Effects of gender, sex-stereotype conformity, age and internalization on risk-taking among adolescent pedestrians. Safety Science, 2009. 47(9): p. 1277-1283.
ix Granié, M.-A., Influence de l’adhésion aux stéréotypes de sexe sur la perception des comportements piétons chez l’adulte. Recherche - Transports - Sécurité, 2008. 101: p. 253-264.
x Guého, L., Approche psychosociale des effets de l'identité sexuée sur les comportements à risque déclarés au volant et dans différents domaines chez les jeunes conducteurs. Thèse de doctorat en Psychologie. 2015, Aix Marseille Université: Aix-en-Provence.