Traverser la rue : quelles compétences en jeu ?

Dossiers thématiques avril 2015 Sécurité routièreComportement humain

Marie-Axelle GRANIE, Directrice de recherche - Département TS2, Laboratoire LMA

Se déplacer à pied et traverser une rue sont des actions bien plus complexes qu’il n’y parait de prime abord. Si la traversée de rue est analysée comme une situation de résolution de problème, plusieurs fonctions et capacités cognitives entrent en jeu pour accomplir cette tâche en toute sécurité.

 

Traverser la rue : quelles compétences en jeu ? - Ifsttar - Traversée de route ©Sophie Jeannin - Ifsttar

Une stratégie de recherche visuelle

Premièrement, le piéton analyse la situation et observe le trafic, il développe une stratégie de recherche visuelle. Cela suppose d’avoir une certaine compréhension du fonctionnement de l’espace routier et savoir où regarder afin que la recherche visuelle ne soit pas pauvre et inefficace.
La stratégie implique également l’attention, c'est-à-dire la capacité à se focaliser sur les informations importantes, même si d’autres informations moins importantes sont plus attractives. En parallèle, les sites de traversée, qui pourraient entraîner des problèmes de visibilité, doivent être détectés.
Cela implique d’analyser les dangers posés par la topographie de l’espace routier. Les masques à la visibilité, créés par le stationnement, doivent être identifiés et la scène routière doit être aussi appréhendée depuis la position des autres usagers dans l’espace.

 

Traverser la rue : quelles compétences en jeu ? - Ifsttar - Piétons encombrés ©Ifsttar

Dans un environnement en mouvement

Le piéton doit évidemment prendre en compte les éléments dynamiques de l’environnement routier, notamment les véhicules actuellement ou potentiellement en mouvement.
Déterminer le mouvement et la direction d’un véhicule sollicite la capacité de localisation des sons et de coordination des informations, données par l’audition et la vision. Si le véhicule approche, il faut déterminer le temps au contact, c'est-à-dire le temps que le véhicule va mettre pour arriver au point où le piéton se trouvera à ce moment-là. Ceci suppose de mettre en relation le temps disponible pour la traversée avec le temps nécessaire pour l’effectuer.
Cette dernière action dépend de la largeur de la route, estimée grâce aux informations visuelles, et de ses propres caractéristiques individuelles. Le piéton doit avoir une bonne connaissance de sa vitesse de déplacement habituelle (qui varie en fonction de l’âge) et de ce qui peut la modifier (paquets lourds et encombrants, poussettes, enfants en bas âge, etc.).

 

Nécessitant des prises de décisions complexes et rapides

De plus, l’usager piéton doit prévoir ce que les véhicules vont faire, c'est-à-dire anticiper les comportements du conducteur (va-t-il ralentir, continuer tout droit, tourner ?). Cela suppose de prendre en compte tous les éléments signalant ou permettant de comprendre les intentions des autres usagers (clignotants, position sur la voie, aménagement, état du trafic, comportements habituels des conducteurs, etc.). Ces éléments l’informent sur l’évolution future de la situation et lui permettent d’orienter son propre comportement.
Le plus souvent, le piéton doit faire face à un trafic provenant de plusieurs directions, au moins deux. Les informations prélevées et les jugements/anticipations, qui en découlent, doivent donc être effectuées pour chacune de ces directions. Cet effort implique la mémoire à court terme et la capacité à diviser son attention. Ensuite, les informations doivent être rapidement, et en temps réel, coordonnées pour faire face à l'évolution de la situation routière.

 

Il est indispensable de noter que l’ensemble de ces compétences varie en fonction de l’âge et de l’expérience du piéton. Elles ne sont pas toutes mobilisées de la même façon dans toutes les situations : traverser une rue avec un feu de circulation pour piétons est moins complexe que de traverser une rue sans feu, sauf si le piéton décide de ne pas attendre le feu vert. Mais ceci est une autre histoire ...

 

 


Pour aller plus loin ...

  • Granié, M.-A. (2004). L'éducation routière chez l'enfant: évaluations d'actions éducatives. Apports de la recherche en psychologie du développement à la compréhension de l'enfant en sécurité routière. Rapport INRETS n°254. Arcueil: Les collections de l'INRETS. Téléchargez gratuitement sur la Librairie de l'Ifsttar.
  • Granié, M.-A. (2010). Socialisation au risque et construction sociale des comportements de l’enfant piéton : éléments de réflexion pour l’éducation routière. Enfances, Familles, Générations, 12, 88-110. Disponible sur érudit.org
  • Granié, M.-A., & Espiau, G. (2010). Etude qualitative du comportement piéton de collégiens par la méthode de l’autoconfrontation. Territoires en Mouvement. Revue de Géographie et d'Aménagement, 2008(1), 39-57. Disponible sur Territoire en mouvement
  • Granié, M.-A., Pannetier, M., & Guého, L. (2013). Developing a self-reporting method to measure pedestrian behaviors at all ages. Accident Analysis & Prevention, 50, 830-839. Accessible via ScienceDirect