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Titre : Genre, (in)vulnérabilité et perception du risque
Laboratoire principal - Référent principal AME - MODIS - DEVIF Julie Directeur du laboratoire principal MARTINEZ frederic - Spécialité de la thèse Psychologie sociale du développement Axe 1 - COP2017 - Transporter efficacement et se déplacer en sécurité Site principal Bron Etablissement d'inscription UNIVERSITE LUMIERE- LYON 2 Ecole doctorale SCIENCES DE L'EDUCATION, INFORMATION ET COMMUNICATION, PSYCHOLOGIE Directeur de thèse prévu GRANIE Marie-Axelle - Université Gustave Eiffel - AME - MODIS Co-directeur de thèse prévu DIAS Pierre - Université Gustave Eiffel - AME - MODIS Type de financement prévu Contrat doctoral - Université Gustave Eiffel Résumé
De nombreux facteurs interviennent lorsqu'une personne juge si un risque est élevé ou non. Les Français ne forment pas un bloc monolithique et les positions des individus dans la structure sociale jouent un rôle important dans la façon dont ils perçoivent les risques. Le caractère genré de la perception des risques a été relevé dans de nombreuses études, soulignant que les femmes tendent en moyenne à percevoir les risques comme plus élevés que les hommes. Par exemple, les données issues du baromètre de l’IRSN (https://barometre.irsn.fr/) révèlent que les préoccupations des Français, qu'ils soient hommes ou femmes, sont similaires : les événements conjoncturels et les problèmes économiques sont les principales sources d'inquiétude entre 2005 et 2015. Cependant, les femmes perçoivent les risques de manière plus intense que les hommes, quel que soit le type de risque (individuel, collectif, médical, technologique, ou pollution). De plus, cette différence reste stable au fil du temps. Ces résultats sont robustes, même avec la prise en compte de facteurs comme l'âge, le niveau d'études et l'échantillonnage. C'est comme si les hommes et les femmes classaient les risques de la même manière avec la même évolution dans le temps (une « culture » commune de l'importance relative des risques), mais que les femmes avaient un seuil de perception des risques plus bas que les hommes (une construction sociale du sentiment de vulnérabilité : elles se sentent plus menacées).
On relève ainsi une plus grande sensibilité des femmes à l’ensemble des risques. Cette différence a été observée dès les premières études de la perception du risque dans les années 1950, mais il a fallu attendre la fin des années 1970 pour que les scientifiques cherchent à l’expliquer. La première hypothèse explorée était que les hommes étaient moins sensibles aux risques car ils étaient plus éduqués et compétents que les femmes. Or, les recherches montrent que des connaissances plus importantes sur les risques peuvent également augmenter le niveau ressenti de menace, et que ces différences entre hommes et femmes s’observent également lorsque les hommes et les femmes ont le même niveau de connaissance. La deuxième grande hypothèse est liée à la répartition traditionnelle des rôles sociaux. Notamment, le rôle nourricier et la prise en charge du bien-être des autres, traditionnellement plus investis par les femmes, amèneraient chez elles une sensibilité plus importante aux risques liés à la santé. Cette hypothèse a été confortée par de nombreux résultats, montrant que si les femmes perçoivent des risques plus élevés, ce n’est pas parce qu’elles en savent moins, mais parce qu’elles se sentent plus concernées.
Ces différences de genre dans la perception du risque s’observent dès l’enfance pour de nombreux risques perçus et pourraient être liées à la socialisation genrée et notamment aux différences de pratiques parentales dans l’éducation au risque. En effet, les parents tolèrent davantage les prises de risque des garçons et centrent leurs efforts éducatifs sur l’apprentissage de l’évitement du risque chez les filles, considérées comme plus fragiles et vulnérables. La différence entre garçons et filles dans le sentiment de vulnérabilité est ainsi construite par les pratiques éducatives des différents agents de socialisation (les parents, les pairs, l’école, les médias). À noter que l’expression même de l’anxiété et de la peur face aux risques est également plus ou moins acceptée socialement selon qu’on est garçon ou fille, femme ou homme. Ces pratiques de socialisation genrée amènent aussi des expériences spécifiques liées au risque. Les garçons, exposés à davantage de risques que les filles, ont aussi plus d’opportunités de construire des compétences pour y faire face. Les prises de risque plus nombreuses chez les garçons et les hommes, en plus d’augmenter le sentiment d’invulnérabilité, peuvent également entraîner un phénomène de désensibilisation à la menace. Les recherches montrent ainsi que là où les filles semblent sensibles à la simple présence du risque (« vais-je avoir mal ? ») en vue de l’éviter, les garçons tendent à évaluer l’importance du risque (« à quel point vais-je avoir mal ? ») pour mieux le contrôler. La perception et la pratique face au risque seraient donc socialement construites et les différences observées entre hommes et femmes seraient le résultat de l’intériorisation des rôles masculins et féminins.
L’objectif de ce projet de thèse est d’interroger en profondeur les liens entre le genre, le sentiment de vulnérabilité et la perception du risque (notamment lié à la mobilité, à la sécurité routière et à l’environnement), si possible dans une approche développementale : qu’est-ce qui explique les différences de sexe dans le sentiment plus ou moins important de (in)vulnérabilité ? Comment ce sentiment de (in)vulnérabilité se construit au travers des rôles sociaux, eux-mêmes dépendants d’asymétries dans la structure sociale ? Enfin, est-ce que le sentiment de (in)vulnérabilité explique la perception du risque et les pratiques de prévention ? Il s’agit de mieux saisir les variabilités intra- et interindividuelles dans la perception du risque en fonction des types de risque (individuel/collectif, risque de dommage à autrui/à soi, etc.), l’évolution avec l’âge des risques perçus (représentations et significations de ce qu’est le risque de manière globale et des différents risques en particulier) et des seuils de perception du risque (approche développementale/transversale). Il s’agira plus précisément d’explorer la construction du rapport au risque au prisme du sexe et du genre, en étudiant les effets des différents agents de socialisation (famille, école, pairs, médias) sur la construction du sentiment de vulnérabilité/invulnérabilité au cours de la vie et les liens avec la perception des différents types de risque.
Les candidat.es à ce sujet de thèse de doctorat sont invité.es à proposer un programme de recherche (6 pages maximum), incluant 1/ une revue de question sur les liens entre genre, sentiment de vulnérabilité et perception des risques, 2/ des hypothèses théoriques sur les déterminants psychologiques et sociaux du sentiment de vulnérabilité et de la perception des risques (différences de sexe, effet de l’adhésion aux stéréotypes de sexe, effet des pratiques éducatives, etc.) et 3/ des hypothèses opérationnelles, à vérifier dans un programme d’études quantitatives (corrélationnelles ou expérimentales) et/ou qualitatives (entretiens, carnets de bord, analyses de discours) permettant d’aborder ces différentes questions.
Références
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Mots-clefs: Perception du risque, genre, (in)vulnérabilité, socialisation
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