Vers de nouveaux matériaux de substitution au ciment

Dossiers thématiques janvier 2019 InnovationMatériaux et structuresÉcologie

Par Nicolas Roussel, Directeur de recherche - Département MAST, Laboratoire FM2D

Les objectifs, de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou d’augmentation de la part d’énergies renouvelables, sont autant de réponses politiques et législatives aux préoccupations de la société civile relatives aux impacts environnementaux de l’activité humaine.

Ces objectifs impactent, de manière générale, notre développement futur mais aussi, de manière spécifique, la façon dont nous construisons nos bâtiments et nos infrastructures. En France, la majorité des ouvrages d’art et des bâtiments est construite en béton. Dans le monde, avec trois tonnes par personne et par an, le béton est le matériau manufacturé le plus consommé.

Cette position trouve sa justification dans le faible coût énergétique et donc économique lié à sa fabrication. La disponibilité de ses composants, partout à la surface de notre planète, explique également ce succès.  Cependant, dans un objectif de développement durable, une telle position en termes de fabrication et de consommation fait de la relation avec l’environnement de ce matériau une question majeure.

 

Des impacts environnementaux liés à l’utilisation des matériaux

Nous considérons sur la figure 1 une poutre en béton armé de logement collectif comme un élément représentatif d’une structure béton. Les différentes données d’impacts environnementaux obtenues sont normalisées par ceux d’un citoyen européen en 1995.  Elles démontrent que la production du ciment et la démolition des bétons constituent les impacts environnementaux principaux de ce système fonctionnel.
Il est cependant possible d’anticiper une partie des évolutions des ciments qui découleront de la mise en place de politiques de réduction des impacts environnementaux.

 

 

Figure 1. Impacts environnementaux normés, par rapport à ceux d’un citoyen européen, pour une poutre en béton armé de logement collectif (Données Ifsttar).
Vers de nouveaux matériaux de substitution au ciment - Ifsttar - Figure 1. Impacts environnementaux normés, par rapport à ceux d’un citoyen européen, pour une poutre en béton armé de logement collectif (Données Ifsttar).

 

Limiter les effets néfastes grâce à de nouvelles technologies

Les émissions de CO2 sont majoritairement associées à la cuisson et à la décarbonatation du calcaire nécessaire à la production du ciment traditionnel. L’Ifsttar a pu ainsi montrer récemment que l’industrie actuelle, en prenant en compte sa croissance et son évolution technique potentielle, pourrait produire des matériaux cimentaires répondant aux critères de diminution des émissions de CO2 fixés pour l’étape intermédiaire de 2020 (Cf. Fig.2).
La technologie actuelle ne permettra cependant pas d’atteindre les critères fixés pour 2050. Alors qu’une « évolution technologique » dominera les dix prochaines années, une « révolution technologique » semble donc inévitable à plus long terme.

 

 

Figure 2. Évolution de l’impact changement climatique par tonne de ciment. Historique et perspectives (données Ifsttar).
Vers de nouveaux matériaux de substitution au ciment - Ifsttar - Figure 2. Évolution de l’impact changement climatique par tonne de ciment. Historique et perspectives (données Ifsttar).

 

L’utilisation du ciment révolutionnée au profit de nouveaux liants

Une grande partie de l’effort de recherche de l’Ifsttar se focalise sur l’évolution technologique nécessaire à court terme. Elle passe par une réduction de la quantité de ciment traditionnel dans la formulation des bétons. Quelques pistes peuvent être citées comme le recours plus systématique aux ciments composés, l’utilisation d’autres déchets issus de l’activité industrielle et le recours à de forts taux de substitution du ciment par une ou plusieurs additions minérales telles que les laitiers de haut fourneau, les cendres volantes ou d’autres déchets industriels.
A plus long terme, la « révolution technologique » pourrait venir de l’utilisation de liants alternatifs tels que les géopolymères ou les clinkers sulfo-alumineux1. Ces matériaux à très faibles impacts environnementaux pourraient ainsi remplacer le ciment portland traditionnel. La construction des connaissances et compétences nécessaires au traitement de tels sujets au sein de l’Ifsttar arrivent aujourd’hui à maturité.
A terme, les connaissances générées par notre établissement permettront de dissiper les inquiétudes liées à l’utilisation de ces matériaux par une démonstration de l’adéquation de leurs performances avec les procédés de construction modernes et par une évaluation quantitative de leur impact environnemental sur l’intégralité de leur cycle de vie (production, mise en œuvre et déconstruction).

 

 

 


1 Les ciments sulfo-alumineux sont identifiés par l’absence de phases chimiques caractéristiques du ciment Portland. Le clinker sulfo-alumineux contient moins de chaux et de silice mais plus de sulfate de calcium hydraté (gypse) ou non hydraté (anhydrite). En ce sens, il se distingue par une réduction d’environ 40 % des émissions de gaz carbonique lors de sa fabrication, liée à l’utilisation d’un cru moins riche en calcaire et à une température de cuisson plus basse.

 

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