Mettre au point des simulateurs de déplacement pour l’étude du comportement

Dossiers thématiques février 2016 InnovationTransportModélisation et simulation numériqueComportement humainSécurité routière

Stéphane Caro, Ingénieur de recherche - Département COSYS, Laboratoire LEPSIS

Contrairement à ce qu’indique leur nom, les simulateurs de conduite et plus largement les simulateurs de déplacement, ne servent pas à proprement parler à simuler la conduite. Ils servent, avant tout, à fournir un environnement virtuel dans lequel des participants peuvent conduire et se déplacer au moyen d’une interface. Le monde réel est ainsi remplacé par un environnement de synthèse qui est obtenu par simulation.

Des éléments constituant les simulateurs …

Il est nécessaire, pour la pertinence de l’outil, de simuler les différentes composantes du monde réel, dont voici quelques exemples :

  • Le fonctionnement du véhicule conduit par les participants incluant sa motorisation1, sa dynamique, ainsi que les dispositifs embarqués tels que les aides à la conduite et les capteurs2 ;
  • Le comportement des autres acteurs de la scène tels que les véhicules constituant le trafic3, les piétons et les cyclistes dont la gestuelle doit également être simulée4 ;
  • Les sources lumineuses et sonores ainsi que la propagation de la lumière5 et du son6.

Pour remplacer le monde réel et donner l’impression aux participants qu’ils se déplacent, il est nécessaire de donner forme aux résultats des simulations. Pour cela, la partie matérielle des simulateurs se compose d’une interface dotée de capteurs ainsi que de dispositifs de restitution sensorielle. De nombreux travaux de recherche passés et actuels portent sur le rendu sensoriel et sur les caractéristiques immersives des simulateurs.

 

… vers une démarche de mise au point

La démarche naturelle pour mettre au point un simulateur consiste à reproduire, aussi fidèlement que possible, les stimulations sensorielles du monde réel. C’est par exemple ce qui a été fait sur le simulateur vélo, en reproduisant la dynamique de la roue arrière d’un vrai vélo7. Dans ce cas précis, l’effort demandé aux participants lorsqu’ils pédalent et l’inertie du vélo (c’est-à-dire, la difficulté à démarrer et à s’arrêter) sont les mêmes qu’en situation réelle.

Cependant, reproduire fidèlement les caractéristiques du monde réel est souvent impossible pour des raisons techniques et physiques. Il faudrait, pour exemple, être en mesure d’afficher sur écran, les luminances d’un jour ensoleillé8 et de reproduire les accélérations d’un freinage d’urgence. Pour contourner ces difficultés, les chercheurs ont imaginé des techniques permettant de faire « illusion » auprès des participants, en ne reproduisant que les stimulations pertinentes9,10. La mise au point de ces techniques s’appuie sur la connaissance des mécanismes perceptifs ainsi que sur des tests menés avec des participants.

 

 

Faire « illusion » auprès des participants en ne reproduisant que certaines accélérations (droits Ifsttar)

 

Malgré l’utilisation de ces algorithmes, le manque ou la distorsion inévitable de certaines informations sensorielles peut fausser la perception et le contrôle du déplacement dans le monde virtuel. Dans certains cas, il est préférable de mettre au point des modèles qui ne représentent plus la réalité physique mais qui se fondent sur les attentes des participants en termes de fonctionnement et de retours sensoriels. C’est par exemple ce qui a été fait pour le contrôle de l’équilibre sur le simulateur moto11 ou pour le retour d’effort volant, dans une configuration actuellement utilisée sur plusieurs simulateurs de l’Ifsttar.

 

Et vers le choix d’une configuration adaptée

Pour choisir les modèles et les techniques de restitution les plus adaptés, il est nécessaire de connaître leurs avantages et inconvénients et bien sûr, de tenir compte de l’usage qui sera fait des simulateurs.

 

 


Pour aller plus loin ...

 

1Voir l’article de ce dossier thématique portant sur l’éco-conduite ainsi que la Recherche Incitative Ifsttar MODYVES (Modèles dynamiques et énergétiques de véhicules conventionnels électriques et hybrides pour simulateur de conduite) (B. Jeanneret & D. Ndiaye).

2Le simulateur "pro-SiVIC Recherche" vise, entre autres, à simuler de manière physico-réaliste les capteurs embarqués, les moyens de communication et les mobiles pour le prototypage, le test et l'évaluation des ADAS (Dominique Gruyer). Plus d'informations sur http://www.civitec.com/

3Espié, S. & Auberlet, J.M. (2007). ARCHISIM: A behavioral multi-actors traffic simulation model for the study of a traffic system including ITS aspects. International Journal of ITS Research, 5, 7-16. Accéder à la publication dans HAL

4Travaux en cours pour une animation réaliste des piétons et des cyclistes (Isabelle Aillerie).

5Voir par exemple, les travaux visant à simuler les effets du brouillard.

Dumont, E. (2002). Caractérisation, modélisation et simulation des effets visuels du brouillard pour l'usager de la route. Thèse de doctorat de l'université René Descartes, Paris.
Dumont, E., & Cavallo, V. (2004). Extended photometric model of fog effects on road vision. Transportation Research Record, 1862, 77-81.

6Travaux en cours sur la synthèse sonore et la propagation du son, en collaboration avec Genesis dans le cadre du projet FUI Yellow (Fabrice Vienne). Plus d'informations sur le site web du pôle de compétitivité Movéo.

7Présentation du projet de simulateur vélo lors des journées 2013 du Réseau Scientifique et Technique du MEDDE. Accès à la présentation de l'atelier.

8L’utilisation de nouvelles technologies peut aider à se rapprocher de l’échelle 1. Voir la Recherche Incitative Ifsttar 2014-2015 portant sur les écrans à haute dynamique de luminance (Céline Villa & Maud Ranchet).

9Les algorithmes de reproduction de tons permettent de représenter de larges gammes de luminances sur des écrans à capacités limitées. Voir par exemple :

Petit, J. (2010). Génération, visualisation et évaluation d’images HDR. Application à la simulation de conduite nocturne. Thèse de doctorat de l’université Claude Bernard, Lyon.
Petit, J., Bremond, R., & Tom. A. (2013). Evaluation of tone mapping operators in night-time virtual worlds. Virtual Reality, 17, 253-262.

10Les algorithmes de restitution de mouvement permettent de reproduire les caractéristiques pertinentes des accélérations sur des plateformes à capacités limitées. Voir par exemple :

Mohellebi, H. (2005). Conception et réalisation de systèmes de restitution de mouvement et de retour haptique pour un simulateur de conduite à faible coût dédié à l’étude comportementale du conducteur. Thèse de doctorat de  l’université d’Evry-val d’Essonne.

11Brevet en attente n° FR 14 53836.

Caro S., Espié S., Lobjois R., Benedetto S., & Vienne F.  Méthode de calcul des composantes latérales (roulis et lacet) et du retour d’effort guidon pour simulateur de conduite moto.