Concevoir et évaluer des systèmes d'aide à l'éco-conduite sur simulateur

Dossiers thématiques février 2016 InnovationTransportModélisation et simulation numériqueComportement humainSécurité routière

Rochdi Trigui, Directeur de recherche, Département AME – Laboratoire LTE - Dominique Gruyer, Directeur du LIVIC – Département COSYS - Olivier Orfila, Directeur adjoint du LIVIC – Département COSYS - Hélène Tattegrain, Directrice du LESCOT – Département TS2

L’éco-conduite des véhicules est une stratégie permettant de réduire la consommation d'énergie et limiter les émissions de CO2 dans l’atmosphère. Elle se base sur la mise en œuvre de plusieurs conseils liés à la conduite : ne pas accélérer trop fort, réduire sa vitesse, maintenir un régime moteur faible, anticiper le trafic, etc.1

En plus du coût d’investissement très faible des aides à l’éco-conduite, leur application possible à des véhicules anciens rend leur impact important et immédiat. Plusieurs travaux menés à l’Ifsttar, ces dernières années, se sont donc portés sur le développement et l’évaluation de tels dispositifs. Menés sur simulateur de conduite, ils ont cependant nécessité des développements spécifiques.

 

Du calcul de la trajectoire idéale à son utilisation lors de l’activité de conduite

Les travaux réalisés, en collaboration entre le LTE, le LESCOT, le LEPSIS et le laboratoire Ampère de Lyon [2], avaient pour premier objectif de quantifier les gains permis par l’éco-conduite pour un véhicule donné (conventionnel, électrique ou hybride). Pour cela, des méthodes numériques d’optimisation ont été utilisées. Ensuite, un outil d’aide à l’éco-conduite, basé sur cette optimisation, a été conçu et testé pour le cas du véhicule conventionnel. La démarche de conception tient compte de différentes contraintes qui peuvent apparaitre. Le trafic et la pollution sont ainsi pris en considération ainsi que la réceptivité du conducteur et son aptitude à assimiler les informations qui lui sont destinées.

De plus, la prise en compte des contraintes de trafic a montré que le gain potentiel d'éco-conduite diminue avec la gêne du trafic même s’il reste toujours un moyen non négligeable d'améliorer sa consommation. En intégrant des contraintes d'émissions les chercheurs ont conclu que l’éco-conduite respecte les mêmes niveaux d’émission qu’une conduite normale et peut les diminuer en l’absence de contrainte de temps de trajet3.

Concevoir et évaluer des systèmes d'aide à l'éco-conduite sur simulateur - Ifsttar - Un écran du support du système d’aide à l’éco-conduite
Concevoir et évaluer des systèmes d'aide à l'éco-conduite sur simulateur - Ifsttar - Le support du système d’aide à l’éco-conduite est composé de deux écrans

Le support du système d’aide à l’éco-conduite est composé de deux écrans. L’écran de gauche est intégré au compteur kilométrique du véhicule et conseille une plage de vitesse en continu, excepté en situation de risque. L’écran de droite offre un conseil différé (après une séquence de conduite) et à caractère éducatif (droits LTE et Lescot - Ifsttar).

 

Enfin, l’intégration des algorithmes d'optimisation dans le système d'assistance, efficace et sécurisé, a été réalisée sur un simulateur de conduite. 20 personnes ont été recrutées pour participer à l’évaluation du système en tant que conducteur avec et sans système d’aide. L’expérimentation a démontré que l'éco-conduite optimisée peut, par l’affichage d’informations simples, être efficace tout en étant relativement bien acceptée par les conducteurs. Le gain moyen en consommation de carburant enregistré, lors de l’expérimentation, a été de 11% environ.

 

 

Eco-SiVIC, une plateforme pour l’éco-conduite et l’immersion 3D

D’autres travaux ont été menés sur la plateforme pro-SiVIC (Simulateur de Véhicules, d’Infrastructure et de Capteurs virtuels) du LIVIC. Cette plateforme est principalement utilisée pour la modélisation des capteurs et le prototypage d’aides à la conduite. Plus concrètement, elle permet de simuler le fonctionnement de capteurs implantés sur les véhicules (tels que des caméras, RADAR, télémètre laser, GPS, etc.). Le résultat de ces simulations est ensuite utilisé pour la mise au point des aides à la conduite qui utilisent ces capteurs. Dans ce cadre, un capteur de consommation pour les moteurs thermiques a été mis en œuvre, permettant ainsi de mener des projets sur l’éco-conduite.

Des travaux d’extension de cette plateforme ont été entrepris depuis quelques années afin de permettre à des participants de la conduire. Il s’agit d’une part, d’interfacer la plateforme avec un poste de conduite (volant et pédales) et d’autre part, de calculer et d’afficher les images stéréoscopiques4 dans un casque de réalité virtuelle, offrant ainsi une immersion 3D complète.

Concevoir et évaluer des systèmes d'aide à l'éco-conduite sur simulateur - Ifsttar - Casque de réalité virtuelle avec les indications de vitesse et consommation

Casque de réalité virtuelle permettant d’afficher les images en 3D et de mesurer les mouvements de la tête (image de gauche) et un exemple d’images stéréoscopiques [2] avec les indications de vitesse et de consommation (image de droite) (droits Livic Ifsttar).

 

Cette plateforme, équipée du poste de conduite, a été présentée au public lors des fêtes de la science ainsi qu’au mondial de l’auto 20145. Dans ce cadre, les conducteurs avaient pour objectif de parcourir la plus grande distance possible avec une petite quantité de carburant (0,15 litres). Un score était attribué aux participants en fonction de la distance parcourue, leur indiquant ainsi s’ils avaient respecté les règles d’éco-conduite.

Plus scientifiquement, l’objectif de cette plateforme est de pouvoir quantifier l’impact de la conduite sur la consommation dans des situations particulières comme la traversée d’intersection. De plus, les chercheurs du LIVIC envisagent de quantifier l’impact de certains paramètres du véhicule sur la consommation. A titre d’exemples, ces paramètres peuvent être la capacité d’accélération et de freinage du véhicule, ou l’adhérence des pneumatiques sur la chaussée. De futurs travaux viseront à étendre ces études aux solutions hybrides.

 

L’intérêt des outils de simulation pour l’éco-conduite

Ces travaux, menés dans différents laboratoires de l’IFSTTAR, montrent que l’implantation d’outils d’évaluation de la consommation sur simulateur de conduite peut ouvrir la voie à différentes recherches qu’il serait difficile de mettre en œuvre en situation réelle. Les premiers résultats font état d’un effet bénéfique des aides à l’éco-conduite.


Pour aller plus loin ...

 

1 Pour une définition de l’éco-conduite, voir par exemple : Barth, M., & Boriboonsomsin, K. (2009). Energy and emissions impacts of a freeway-based dynamic eco-driving system. Transportation Research Part D, 14, 400-410.

2 Dans le cadre de la thèse de doctorat de Félicitas Mensing, soutenue en 2013 : « Optimal energy utilization in conventional, electric and hybrid vehicles and its application to eco-driving ».

3 Les résultats détaillés sont présentés dans : Mensinng, F., Bideaux, E., Trigui, R., Ribet, J., & Jeanneret, B. (2014). Eco-driving: An economic or ecologic driving style? Transportation Research Part C, 38, 110-121.

4 Les images stéréoscopiques permettent de voir la scène en 3D. L’une des images correspond à ce qui est vu par l’œil droit et l’autre, légèrement différente, correspond à ce qui est vu par l’œil gauche. Ces légères différences entre les deux images donnent une impression de profondeur.

5 La plateforme eco-SiVIC est désormais présentée par la société CIVITEC (filiale ESI group) et une valorisation sous forme d’accord de licence est prévue en 2016 avec société.