Évaluer l’aménagement des routes grâce aux simulateurs de conduite
Jean-Michel Auberlet - Chargé de recherche LEPSIS COSYS, Lara Désiré - Chargée de recherche DTerOuest Cerema et Florence Rosey - Chargée de recherche DTerNC Cerema
Le développement et la commercialisation de simulateurs de conduite ont favorisé la démocratisation de leurs usages, même si la question de la transférabilité des résultats reste un défi ouvert. Pour autant, leur utilisation, majoritairement par des chercheurs, a permis d’orienter les réflexions voire d’obtenir des solutions opérationnelles.
Des simulateurs au service de l’évaluation et de l’harmonisation
Un simulateur de conduite Ifsttar, utilisé dans le projet RoadSense, a permis d’évaluer trois dispositifs d’alerte audio-tactiles (bandes d’alerte sonore dites BAS1). Ceux-ci permettent principalement d’éviter les sorties de voies et les collisions frontales sur les routes de type départementale. Dans ce cas précis, le principal intérêt du simulateur a été de pouvoir tester les dispositifs de type creusé, implantées en axe et/ou en bord de voie. Très utilisés à l’étranger pour leur efficacité, ils ne le sont pas encore en France ou seulement à titre expérimental sur certaines sections d’autoroute. L’expérimentation sur simulateur a donc permis de tester ces dispositifs en amont d’une évaluation réelle (à titre expérimental) sur des routes existantes. L’objectif étant, à terme, de pouvoir proposer des configurations de BAS1 adaptées au réseau routier départemental français. Des recommandations d’implantation pourront alors être formulées pour mieux contribuer à l’harmonisation de ces réseaux.
Une prochaine utilisation des simulateurs de conduite s’intéressera à la signalisation de l’ouverture à la circulation des bandes d’arrêt d’urgence. En effet, différents dispositifs de signalisation sont utilisés à l’étranger ou sur le territoire national à titre d’expérimentation. L’évaluation de l’impact de ces différentes variantes sur les comportements des conducteurs, en simulateur de conduite, contribuera aux recommandations visant à proposer une signalisation spécifique à ce cas d’usage dans une perspective d’harmonisation.
Tout en favorisant l’innovation routière …
Dans le projet SARI, l’usage des simulateurs Ifsttar a permis d’évaluer et d’identifier a priori des aménagements routiers pour des situations de franchissement de sommets de côte en ligne droite. Ainsi, il a été démontré l’impact positif des BAS1 (dispositif expérimental, en laboratoire) et d’un marquage de nuit visible par temps de pluie en conditions réelles, pour une utilisation différente de celle pour laquelle il a été conçu. Dans le cadre de la valorisation des produits, issus du projet SARI, des représentants de sociétés d’autoroutes ont manifesté leur intérêt pour la méthode d'étude d'un aménagement routier sur simulateur de conduite.
L’une des perspectives de l’usage des simulateurs de conduite est d’en faire à terme un outil d’aide à la prise de décision lors de la conception de route et d’aménagement. Afin d’apprécier les contraintes d’un tel usage, le Cerema a proposé de s’appuyer sur un projet routier2 visant à mettre en œuvre le concept de « Route Autrement pour une Conduite Apaisée3» . Ce travail qui utilise le simulateur à base fixe du Cerema et les logiciels de simulation de conduite de l’Ifsttar a permis d’identifier les challenges liés à ce type d’usage, notamment concernant la création d’une base visuelle, reproduisant au mieux les caractéristiques géométriques des projets routiers. Il permet également d’esquisser les solutions méthodologiques pour faciliter le transfert entre les outils de conception routière et les outils de simulation 3D.
Simulateur de conduite cerema
Et en partageant savoirs et compétences professionnelles
Les retours d’expérience font émerger deux défis. Le premier consiste à établir des passerelles méthodologiques entre les chercheurs et les différents services de génie civil. En effet, un usage plus systématique des simulateurs de conduite nécessite de faciliter et d’accélérer le transfert des projets routiers des outils de conception vers les outils de simulation. Ce transfert doit se faire en ayant le souci de conserver au mieux les caractéristiques géométriques et d’équipement. D’une part, cela permet d’assurer une meilleure généralisation des résultats et, d’autre part, une meilleure prise en considération des résultats, issus de ces études, par les gestionnaires. Le second défi vise à faire le lien entre deux univers, celui du chercheur qui évalue l’impact d’un aménagement, en mesurant les comportements de l’usager en tant qu’individu, et celui du gestionnaire de voirie qui évalue la performance de ses infrastructures en mesurant le comportement de flux d’usagers.
Pour aller plus loin ...
- Vienne, F., Caro, S., Désiré, L., Auberlet, J-.M., Rosey, F., Dumont, E. (2014). Driving simulator: an innovative tool to test new road infrastructures (poster 18336). In Proceedings of the 5th TRA, Transportation Research Arena, 14-17 april, La Défense, Paris, France. Accès à la publication sur Madis (Ref. DOC00019502)
- Auberlet, J-.M., Vienne, F., 2014, Dossier 'I.A. & Systèmes Immersifs', Bulletin de l'AFIA, 82, pp.10-13.
Accès à la publication sur Madis (Ref. DOC0002146) - Auberlet, J. M., Rosey, F., Anceaux, F., Aubin, S., Briand, P., Pacaux, M.P., & Plainchault, P. (2012). The impact of perceptual treatments on driver's behavior: From driving simulator studies to field tests—First results. Accès à la publication sur ScienceDirect
- Auberlet, J-.M., Pacaux, M.-P., Anceaux, F., Plainchault, P., Rosey, F. (2010). The impact of perceptual treatments on lateral control: a study using fixed-base and motion-base driving simulators. Accident Analysis and Prevention, 42 (2010), pp. 166–173. Accès à la publication sur ScienceDirect