Étudier les situations à risque en toute sécurité

Dossiers thématiques février 2016 InnovationTransportModélisation et simulation numériqueComportement humainSécurité routière

Catherine Berthelon, Directrice du LMA – Département TS2

Le terme « situations à risque » en conduite contient en lui-même les limites qu’il y aurait à les étudier en situation de conduite naturelle. En ce sens, les simulateurs de conduite constituent une alternative à ne pas négliger.

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Identification des situations à risque

Les situations à risque sont à différencier de la notion de "prise de risque" qui recouvre un ensemble de phénomènes complexes que chacun a tendance à ramener à sa propre subjectivité du risque.
Elles correspondent à des situations susceptibles de provoquer des accidents et qui sont souvent difficiles à gérer par le conducteur. Les études épidémiologiques1 et les études détaillées d’accidents nous donnent des indices fiables sur ces situations à risque et mettent en évidence qu’elles sont liées à une combinaison de facteurs du système homme/véhicule/infrastructure.
Les facteurs humains, fréquemment listés, concernent la vitesse pratiquée, la conduite sous l’emprise de psychotropes (alcool, drogues, médicaments), le manque d’attention telle la distraction (téléphone par exemple) et l’hypovigilance. Les populations les plus jeunes (hommes) et les plus âgées sont particulièrement touchées, et conduire une moto ou circuler à pied augmente la gravité. Enfin, le risque d’accident est important sur les routes nationales. 

 

Des études rendues possibles grâce aux simulateurs de conduite
Les simulateurs de conduite sont devenus des outils indispensables à la compréhension et à l’analyse des interactions entre le conducteur, le véhicule et le tracé routier. Leur utilisation s’est accrue au fil du temps car ils présentent de nombreux avantages : reproductibilité des situations, contrôle des paramètres et absence de risque réel puisque l’environnement dans lequel circule le conducteur est virtuel. Ils sont ainsi particulièrement adaptés à l’étude des situations qui se produisent aléatoirement ou très rarement ainsi qu’à celle des situations à risque. Il est par exemple possible d’y introduire des situations risquées réalistes auxquelles différentes populations de conducteurs peuvent être soumis. L’objectif des travaux est alors de mieux cerner les mécanismes de dysfonctionnement du système homme-véhicule-environnement susceptibles de provoquer un accident.
Les problématiques étudiées autour des situations à risque sont variées et concernent par exemple l’état du conducteur en lien avec l’environnement :

  • Vigilance c’est-à-dire « assoupissement » lors de situations de conduite trop monotone2 ;
  • Charge de travail, ou difficultés rencontrées lors d’environnement complexe3 ;
  • Distraction et inattention4 ;
  • Absorption de produits psychoactifs (alcool, drogues, médicaments)5,6.

 

 

Étudier les situations à risque en toute sécurité - Ifsttar - Un simulateur de conduite (credit IFSTTAR)

L’un des simulateurs de conduite de l’Ifsttar (Crédits photo Ifsttar)

 

Des limites à prendre en considération malgré les avantages

L’absence de risque réel, considérée comme un avantage en simulation de conduite, pose toutefois un certain nombre de questions pour l’étude de situations objectivement risquées. La « validité comportementale » renvoie en effet à la capacité du simulateur à induire des comportements de conduite identiques ou parallèles à ceux que l’on observerait dans une situation naturelle : l’absence de risque peut ainsi être un frein à l’interprétation des comportements. La « validation physique » du simulateur est par ailleurs liée à la correspondance entre sa dynamique et celle de véhicules. Elle présuppose donc que la dynamique du simulateur corresponde à celle d’un véhicule existant mais aussi que les simplifications apportées à l’environnement routier simulé ne modifient pas les activités impliquées dans la situation réelle de conduite. La fidélité cognitive, liée à l’acquisition de connaissances, devient ainsi un facteur crucial pour la validation des simulateurs.

Le moyen le plus efficace pour cette validation est de comparer les comportements de conduite obtenus en situation simulée avec ceux obtenus en situation réelle. Ceci s’avère toutefois difficile, voire impossible dans le cas des situations à risque du fait par exemple de considérations éthiques. Ainsi d’un point de vue sécuritaire, faire boire un conducteur ou le tester alors qu’il manque de sommeil n’est pas acceptable sur route alors que cela est possible sur un simulateur. Cet outil est donc indispensable pour étudier les situations à risque, notamment pour évaluer les modifications de comportement liées à l’état du conducteur.

 

1Études effectuées au sein de populations, de la fréquence et de la répartition des problèmes de santé, dans le temps et dans l'espace, et du rôle des facteurs qui les déterminent.

 

 


Pour aller plus loin ...


2Contardi, S., Pizza, F., Sancisi, E., Mondini, S., Cirignotta, F. (2004). Reliability of a driving simulation task for evaluation of sleepiness. Brain Research Bulletin 63, 427–431.
3Paxion, J., Galy, E., Berthelon, C. (2015). Subjective overload depending on driving experience and situation complexity: which strategies faced with a pedestrian crossing? Applied Ergonomics, 51, 343-349.
4Fort, A., Gabaude, C.,  Lagarde, E., Lemercier, C., Cour, M., Maury, B. (2003). Impacts des inattentions sur la conduite automobile : approche multidisciplinaire. Compte-rendu de fin de projet ANR-09-VTT-04, 33 pp.
5Berthelon, C., Gineyt, G. (2014). Effects of alcohol on automated and controlled driving performance. Psychopharmacology, 231, 2087-2095.
6Bocca, M-L., Marie, S., Lelong-Boulouard, V., Bertran, F., Couque, C., Desfemmes, T., Berthelon, C., Amato, J-N., Moessinger, M., Paillet-Loilier, M., Coquerel, A., Denise, P. (2011). Zolpidem and zopiclone impair similarly monotonous driving performance after a single nighttime intake in aged subjects. Psychopharmacology, 214, 699-706.