Quel avenir pour les petites lignes ferroviaires ?

Dossiers thématiques novembre 2018 TransportInnovationÉnergie

Par Philippe Poinsot, chercheur en économie des transports et économie régionale - Département AME, laboratoire LVMT1

L’avenir des « petites lignes » ou réseau capillaire, a fait l’objet de nombreux débats suite au rapport Spinetta sur l’avenir du transport ferroviaire en France (2018). Ces débats sont souvent passionnés avec d’un côté, ceux qui considèrent ces lignes comme une dépense publique inutile et de l’autre, ceux qui les appréhendent au contraire comme une nécessité pour assurer l’égalité des territoires.

Pour éclairer les décisions publiques, les chercheurs peuvent proposer un affinement et une actualisation de la classification des lignes.

Petites lignes ferroviaires : de quoi parle-t'on ?

Chaque ligne du réseau ferroviaire français est classée selon une norme définie par l’Union Internationale des Chemins de fer (UIC). Neuf groupes sont alors distingués, allant du groupe UIC 1, les lignes ayant les trafics les plus importants, au groupe UIC 9, les lignes avec les trafics les plus faibles. Les petites lignes correspondent aux lignes classées UIC 7 à 9. Elles représentent enviroPetite ligne ferroviaire - Crédit Epicturan 40 % du réseau avec plus de 12 000 km et transportent majoritairement du fret, mais aussi des voyageurs.

Au niveau européen, le réseau ferroviaire français est celui qui compte le plus de petites lignes. Trois raisons expliquent cette spécificité française. La première est, qu’avant l’essor de l’automobile et de la route, l’objectif assigné au réseau ferré était d’assurer une desserte très fine des territoires, expliquant un réseau très développé. La deuxième est que le train relevant d’une mission de service public, et cela quel qu’en soit le prix, certaines lignes n’ont pas été fermées contrairement à nos voisins européens. Enfin, la troisième raison est que la politique de l’opérateur SNCFa été de concentrer les trafics sur un petit nombre d’axes et de nœuds, limitant ainsi l’usage du reste du réseau. Aujourd’hui, la situation d’une partie importante du réseau est préoccupante : voies en mauvais état, signalisations vieillissantes, etc. Plusieurs questions se posent sur les meilleurs choix à faire. Dans ce contexte, les groupes UIC constitueraient un critère à prendre en compte.

Vers une nouvelle classification des lignes

Malgré de nombreuses critiques, l’appartenance d’une ligne à tel ou tel groupe UIC a des implications fortes, notamment en termes de financement. Par exemple, le récent Contrat de performance Etat/SNCF Réseau indique que le gestionnaire d’infrastructures doit concentrer ses investissements sur les UIC 2-6, interdisant ainsi tout investissement amortissable sur les petites lignes.

Pourtant, dans le cadre de la chaire Nouvelle Approche Economique des Mobilités (LVMT/SNCF), une étude (DISLAIRE & al., 2018)i a montré à quel point cette nomenclature était inadaptée pour représenter les caractéristiques actuelles des lignes de la région Nouvelle Aquitaine3 . Par exemple, la Figure 1 permet de voir que derrière l’appartenance à un même groupe UIC se cache en fait une grande hétérogénéité. Afin d’éclairer les décisions publiques sur les petites lignes, l’évaluation des caractéristiques actuelles peut être complétée. Elle doit prendre en compte les potentiels, notamment en termes de demande, et les pistes pour baisser le coût global de ces petites lignes. Plusieurs études engagées récemment avec le Cerema, les Régions Normandie et Paca, ainsi que SNCF Réseau visent justement à développer des méthodes permettant une évaluation plus précise.

 

 

 

Figure 1 - Les cas de 5 IUC 7 à 9 de la Région Nouvelle Aquitaine
Quel avenir pour les petites lignes ferroviaires ? - Ifsttar - Schéma UIC - crédit Ifsttar

 

Chaque ligne du réseau ferroviaire est représentée par cinq grandes caractéristiques : infrastructure, offre de service, fréquentation, performances financières et importance de la desserte. A chaque caractéristique est affecté un score de 0 à 100 : plus ce score est élevé, plus la caractéristique de la ligne est bonne.

 

 

 

1 Le LVMT, laboratoire pluridisciplinaire, est une unité mixte de recherche entre l’École des Ponts ParisTech, l’Ifsttar et l’UPEM. Il traite de grandes questions de société sur la ville, la mobilité et les transports.

2 La Société nationale des chemins de fer français (SNCF) est l'entreprise ferroviaire publique française, officiellement créée par convention entre l'État et les compagnies de chemin de fer préexistantes, en application du décret-loi du 31 août 1937. 

3 Pour mémoire, l'objectif initial de cette nomenclature était de faciliter la définition d'une politique de maintenance du réseau.

 

 

 


Pour aller plus loin...

Deraëve, S., Mimeur, C., Poinsot, P., Zembri, P. (2018). Les petites lignes : de la nomenclature UIC à un classement par les enjeux et les potentiels, Transports urbains, n° 133, pp. 3-8.

i Dislaire, C., Guerrinha C., Mimeur C., Poinsot, P., Zembri P., Deraeves, S. (2018). Qu’est-ce qu’une 'petite ligne' ferroviaire ? Une analyse à partir de la Région Nouvelle-Aquitaine, communication aux 1ères Rencontres Francophones Transport Mobilité (RFTM), Lyon, 6-8 juin 2018.

Meignien, B., Vernier, A. (2016). Quelles modalités d'organisation pour les petites lignes ferroviaires ; Etude de cas en régions Centre Val-de-Loire, Limousin et Bretagne, CEREMA, 43 p.