Comment améliorer le transport de marchandises par train ?
Par Patrick Niérat, Chercheur en économie des transports – Département AME, Laboratoire SPLOTT
A l’heure où l’empreinte de l’homme impacte considérablement l’environnement, de grandes décisions doivent être prises pour rendre notre société plus durable. Certaines décisions concernant l’aménagement du territoire permettent de donner plus de place au ferroviaire.
Les chercheurs de l’Ifsttar analysent la production du fret ferroviaire et proposent des actions pour relancer l’activité sur le territoire.
L’état des lieux du transport ferroviaire de marchandises en France
L’apogée du trafic remonte à 1974 mais le ferroviaire ne transporte aujourd’hui plus que 40 % des tonnages de l’époque. Sa part de marché est passée de 40 à 10 % des tonnes kilomètres, au bénéfice du transport routier. Le succès de la route repose largement sur sa capacité à transporter vite de petites quantités et sa réactivité vis-à-vis de demandes tardives. L’examen des modes de production ferroviaire fournit un éclairage important. On distingue trois types de situations.
- Cas n°1 - Les clients possèdent des installations ferroviaires embranchées (ITE) qui leur permettent de placer des wagons chez eux. Leur activité fournit de grands volumes de marchandises. Avec 50 % du marché (en tonnes kilomètres), ce cas est celui du train entier bien rempli au départ de l’expéditeur jusqu’au destinataire. Domaine d’excellence du ferroviaire, il autorise les meilleurs coûts et délais.
- Cas n°2 - Les clients du ferroviaire possèdent des ITE mais ils ne génèrent que de petits volumes d’activité.Ce second cas (25 %) est celui du wagon isolé. Les wagons sont chargés chez l’expéditeur et déchargés chez le destinataire quand ce dernier est raccordé au réseau. L’acheminement comprend alors au moins cinq étapes. Une desserte locale pour conduire les wagons en gare de triage. Un tri pour réunir les wagons ayant leurs destinations dans la même région. Un transport de longue distance par train entier. Puis un tri et une livraison des wagons vers chacun des destinataires. Cette organisation permet d’obtenir de bons résultats sur le parcours de longue distance mais les étapes de tris et les dessertes locales sont souvent coûteuses. La prestation devient trop chère et ce transport prend du temps.
- Cas n°3 - Les clients n’ont pas ou ne font pas toujours usage d’ITE. Le troisième cas (25 %) est celui du transport rail-route. La marchandise est chargée dans une unité de transport intermodal (UTI) (conteneur, caisse mobile…) chez l’expéditeur. L’UTI est transportée par camion jusqu’à un terminal rail-route où elle est transbordée sur un wagon. Un train assure le déplacement de longue distance jusqu’à un second terminal puis l’UTI est conduite par route jusqu’au destinataire.
Cette solution n’existe aujourd’hui que sur les axes principaux là où les flux permettent d’avoir des trains bien remplis et fréquents pour obtenir un coût et un temps comparables à ceux de la route. Les dessertes routières totalisent souvent plus de la moitié du coût total. Cette formule permet en théorie le transport entre deux lieux quelconques. En pratique, elle n’est compétitive qu’entre les aires de marché des terminaux.
Des solutions cohérentes avec les besoins du territoire
L’emploi du train entier est réservé aux flux importants des gros clients. Mais il ne répond pas à la variété des besoins d’aujourd’hui éparpillés sur le territoire et concernant de petites quantités. Pour gagner des parts de marché, il faut donc s’appuyer sur des solutions proposées dans les cas n° 2 et 3. Des leviers, concernant l’aménagement du territoire, existent pour réduire le coût des dessertes locales et améliorer la situation.
Dans le cas n°2, il est nécessaire d’augmenter le nombre de wagons pour réduire le coût unitaire des dessertes. Pour cela, il faut implanter les entreprises, potentiellement intéressées par le ferroviaire, le long de certaines petites lignes existantes afin de concentrer le trafic et réduire les coûts.
Pour le cas n°3, il est fondamental d’implanter les terminaux correctement par rapport au potentiel existant. Mal localisés, les terminaux ne captent pas le trafic. Il existe, sans doute, d’autres solutions techniques, mais il est nécessaire de rappeler que la localisation des clients par rapport aux infrastructures pèse lourdement sur le bilan. Une excellente technique en plein désert n’apporte rien...
Pour aller plus loin...
Niérat, Patrick. (2011). Report modal : un problème de réseaux ou une question de services ?. Recherche - Transports - Sécurité. 27. 273-282. 10.1007/s13547-011-0024-2.
Niérat, Patrick & Franc, Pierre & Knitschky, Gunnar & Lenz, Barbara. (2009). Organisation et coût des dessertes terminales ferroviaires. 95-126.
Niérat, Patrick. (1992). Aire de marché des centres de transbordement rail-route : pertinence de la théorie spatiale.