Appréhender et améliorer les décisions de traversée de rue des piétons âgés

Dossiers thématiques avril 2015 Sécurité routièreComportement humain

Aurélie DOMMES, Chargée de recherche - Département COSYS, Laboratoire LEPSIS

La population des personnes âgées est particulièrement surreprésentée dans les accidents piétons, dans beaucoup de pays européens. En France, en 2012, les personnes âgées de plus de 75 ans représentaient 41.1% des piétons tués, alors qu’ils ne composent qu'environ 9% de la population française (ONISR, 2012). Cette classe d'âge représentait par ailleurs plus de 20% des blessés hospitalisés, soit 805 personnes en France en 2012. Si les conséquences d'un accident sont souvent fatales à l'individu âgé, elles peuvent également entraîner des conséquences graves, jusqu'à la perte complète d'autonomie.
En dépit de l’importance des enjeux de sécurité routière, l’étude spécifique des décisions et comportements des piétons âgés fait encore l’objet de peu de travaux dans la littérature. On note un progrès des connaissances acquises dans le domaine depuis seulement une vingtaine d'année. 

 

Appréhender et améliorer les décisions de traversée de rue des piétons âgés - Ifsttar - Traversée de rue d'un piéton âgé ©Sophie Jeannin - Ifsttar

Quelles difficultés pour traverser la rue ?

Pour comprendre pourquoi les personnes âgées sont plus souvent impliquées dans les accidents piétons, des travaux ont été menés dans des situations où aucune aide n’est fournie aux piétons (ex. absence de feu piéton) et où ces derniers peuvent prendre seuls la décision de traverser la rue. Plus spécifiquement, les études montrent que les personnes âgées de plus de 75 ans sélectionnent d'elles-mêmes des créneaux de temps bien souvent trop courts, compte-tenu de leur vitesse de marche ralentie. Ce constat s'est révélé autant sur simulateur (Dommes & Cavallo, 2011 ; Lobjois & Cavallo, 2007, 2009; Oxley et al., 2005) qu'en utilisant des vidéos de trafic naturel (Holland & Hill, 2010), ou encore dans le cadre d'observations en milieu réel (Oxley et al., 1997).
On retient de ces travaux une prise de décision et une initiation du premier pas plus lentes, un ralentissement de la vitesse de marche, des capacités d'accélération réduites, et surtout, des difficultés à percevoir la vitesse d'approche des véhicules ou encore à coordonner les informations provenant de deux voies de circulation (Dommes et al., 2014). L’augmentation des traversées dangereuses chez les piétons âgés est globalement interprétée par le déclin de certaines capacités avec le vieillissement normal (Dommes et al., 2013 ; Holland & Hill, 2010 ; Lobjois & Cavallo, 2007, 2009 ; Oxley et al., 1997, 2005), telles que les capacités visuelles (acuité), perceptives (champ visuel utile), cognitives (capacités attentionnelles) et motrices (vitesse de marche), plutôt que l'âge du piéton en tant que tel.

Comment améliorer la prise de décision ?

Une voie d’amélioration de la sécurité consiste à adapter l’usager à l’infrastructure et à la tâche, par l’apprentissage ou le ré-apprentissage de comportements sécuritaires. Dans cette optique, la mise au point de programmes d’entraînement, spécifiquement destinés aux piétons âgés, serait un moyen efficace pour améliorer la sécurité de ces usagers vulnérables.
Les études menées à l'Ifsttar (Dommes et al., 2012 ; Dommes & Cavallo, 2012) sont, à notre connaissance, les premières à avoir abordé cette question. Les résultats de plusieurs programmes d'entraînement testés sur simulateur sont très prometteurs.
Ils témoignent de la possibilité d'améliorer sensiblement la sécurité des décisions et comportements des piétons âgés, en combinant des interventions comportementales et éducatives, individualisées. Ces programmes proposent divers exercices à niveau de difficulté croissante, en donnant du feedback sur les erreurs, et en permettant ainsi à l'individu d'être motivé et impliqué pendant toute la durée de l'intervention.

 

La réalité virtuelle, un outil efficace pour étudier et améliorer les comportements

Les difficultés méthodologiques liées à l’étude des traversées de rue en situation réelle ont rendu l’analyse des facteurs de risque et de l’origine des accidents limitée. Des analyses d'accidents sont menées (Fontaine & Goulet, 1997), des scenarios typiques identifiés (Brenac et al., 2003), mais des questions restent ouvertes. Et ce sont notamment les progrès de la simulation qui ont permis et permettent encore aujourd’hui l’avancée de ces connaissances et de leurs applications.
Aujourd'hui, l'Ifsttar (LEPSIS) est le seul institut au monde à disposer d'un simulateur de traversée de rue dans lequel le piéton se déplace réellement sur une distance de plus de 7 mètres. Le participant est équipé de capteurs de mouvement permettant de repérer sa position dans l’espace virtuel et d’adapter les scènes visuelles, projetées sur 10 écrans géants, à son déplacement et point de vue qui se modifient en cours de marche.

 

Simulateur de traversée de rue développé par l'Ifsttar