Transport, mobilité, sécurité : une question de genre ?
Par Marie-Axelle Granié, Chercheuse en psychologie sociale du développement - Département TS2, Laboratoire LESCOT
La différence entre les deux sexes a longtemps été négligée dans l’organisation du territoire, comme dans les transports. Les planificateurs des transports ne distinguaient pas les individus en fonction de leur groupe de sexe d’appartenance. Pourtant, les décisions étaient essentiellement prises par des hommes, en fonction de leurs intérêts et de leurs expériencesi. Cette omission a accentué et pérennisé les inégalités entre hommes et femmes au regard de la mobilitéii.
Pour autant, des croyances sociales dénigrant les femmes au volant se sont développées en même temps que l’automobile, avec l’idée implicite de les garder au foyeriii. Les défis actuels liés aux transports, à la mobilité et à la sécurité sont-ils une question de genre ?
Sexe, genre : Késacoiv ?
Utilisé dans les études scientifiques, le terme de « sexe » définit les différences biologiques et physiologiques entre hommes et femmes. Les « hommes » et les « femmes » correspondent à deux catégories de « sexes ».
Le « genre » désigne les croyances et stéréotypes liés à chaque sexe. Il désigne également les activités, rôles et traits de personnalités qu’une société considère comme plus adaptés aux hommes ou aux femmes et qu’elle valorise comme étant « masculin » ou « féminin ». Les concepts « masculins » et « féminins » relèvent donc du « genre ».
Le « genre » est une construction sociale amenant à une hiérarchisation entre les hommes et les femmes. Tandis que les différences biologiques entre les deux sexes sont assez stables, les attentes sociales liées au genre évoluent dans le temps et l’espace. S’intéresser au genre suppose donc d’étudier à la fois les hommes et les femmes, leurs ressemblances et leurs différences. |  |
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Ce dossier thématique présente les recherches menées à l’Ifsttar sur la question du genre dans les transports, la mobilité et la sécurité, de plus en plus prises en compte par les pouvoirs publicsv.
Ces recherches confirment que les hommes et les femmes n’utilisent pas les mêmes modes de déplacement, ni aux mêmes fréquences, ni pour les mêmes motifs. Cela se manifeste très tôt et tout au long de la vie : les femmes âgées renoncent à la conduite plus tôt que les hommes.
Ces différences peuvent être en partie le résultat d’une perception du risque accrue. Ainsi, les femmes ressentent plus d’appréhension dans les espaces publics et l’usage des transports publics. Cette perception du risque peut expliquer certains de leurs choix de mobilité, comme leur faible attrait envers les deux-roues motorisés. Cela peut également expliciter leurs comportements en tant que conductrices, motardes et piétonnes ou leur plus faible taux de réussite à l’épreuve pratique du permis de conduirevi.
Cette prise en compte des femmes dans la recherche sur les transports permet de faire apparaître de nouvelles perspectives de réponses à des questions anciennes. Cela implique de redéfinir des problématiques existantes et de placer les femmes non seulement comme sujets de recherche mais aussi comme participantes actives dans la définition des politiques urbaines et de transport.
Pour aller plus loin ...
Organisation Mondiale de la Santé / World Health Organization. (2002). Gender and road traffic injuries. Retrieved from Geneva, Switzerland: http://whqlibdoc.who.int/gender/2002/a85576.pdf?ua=1
i Fainstein, S. S., & Servon, L. J. (2005). Gender and Planning, A reader. New Brunswick, New Jersey & London: Rutgers University Press.
ii Tillous, M., & Lahmani-Saada, S. (2015). Boîte à outils Genre. Transports et mobilité. Paris: Agence Française de Développement.
iii Berger, M., L. (1986). Women drivers!: the emergence of folklore and stereotypic opinions concerning feminine automotive behavior. Women's Studies International Forum, 9(3), 257-263.
iv Organisation Mondiale de la Santé / World Health Organization. http://www.who.int/gender/whatisgender/fr/
v Certains des résultats présentés dans ce dossier ont été présentés en 2016 dans le cadre des travaux de la délégation aux droits des femmes du Sénat sur « Les femmes et l’automobile ». https://www.senat.fr/notice-rapport/2015/r15-835-notice.html
vi Le projet « Permis_HF. Différence de sexe dans la réussite au permis de conduire : des paradoxes constatés vers les explications » a démarré en 2017. Fruit de la collaboration entre l’Ifsttar (TS2-LMA et TS2-LESCOT), Aix-Marseille Université et l’Université Lyon 2, il est financé par la Direction de la Sécurité Routière du Ministère de l’Intérieur.
