Les femmes bousculent les principes de mobilité

Dossiers thématiques avril 2018 Comportement humainSécurité routièreTransport

Par Ariane Dupont-Kieffer, Maîtresse de conférences en sciences économiques à PHARE, École d’Économie de la Sorbonne, Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Les systèmes de transport et l’organisation de la mobilité sont les piliers de la construction d’une société inclusive, qui propose des solutions concrètes, durables et accessibles à tous. Il s’agit d’une société où chaque citoyen a la possibilité de participer à l’ensemble des activités économiques, sociales et culturelles tout en développant ses aptitudes potentielles est au profit de la collectivité.
La participation croissante des femmes à la création et au partage des richesses peut-elle remettre en question les principes de mobilité en faveur d’un modèle durable et inclusif ?

 

Hommes et femmes : des mobilités différentes ?

Bien que des signes de convergence apparaissenti, les différences de mobilité entre hommes et femmes restent importantes. Leur mobilité diffère par le nombre de déplacement, de budget-distance, de budget-temps et de choix modalii.

Ces écarts s’expliquent par le rôle social assigné aux femmes, par la division des tâches au sein des ménages et par une participation différenciée au marché de l’emploi. Les femmes occupent ainsi davantage que les hommes des emplois à temps partiel, privilégient le télétravail et choisissent des emplois plus proches de leur domicile que les hommesiii. Cela se traduit par des choix de mobilité spécifiques : elles se déplacent en dehors des heures de pointe, effectuent des déplacements qui s’enchaînent et plus courts que ceux des hommesiv.

 

Une offre de services à adapter

Si les déplacements des hommes s’expliquent principalement par leurs activités professionnelles, les femmes se déplacent pour des motifs liés à la prise en charge des proches et des tâches domestiques. Elles ont également un moindre accès à la voiture (permis de conduire, propriété et usage du véhicule)v et se déplacent plutôt à pied ou en transports en commun, dont elles sont les plus grandes utilisatrices.

Pourtant, le niveau de services ne semble pas être en adéquation avec leurs besoins : transports en commun peu fréquents en dehors des heures de pointe, transports et espaces publics non sécurisés (risque de harcèlement), difficultés pour voyager avec des personnes à mobilité réduite, des enfants et des charges.

 

 

Les femmes bousculent les principes de mobilité - Ifsttar - Illustration Joël Yerpez - Tous droits réservés

 

Les femmes prennent en main leur mobilité

Toutefois l’écart entre femmes et hommes se réduit sous l’effet combiné de plusieurs tendances : participation croissante des femmes au marché du travail, développement de nouveaux comportements de mobilité chez les plus jeunes femmes qui peuvent être reproduits par leurs aînéesvi.

Les femmes deviennent actrices de leur mobilité et sont très sensibles, notamment, aux questions de changement climatique et de pollutions. Leurs motivations, pour l’achat de véhicules électriques, relèvent de la préservation de l’environnement alors que les hommes sont davantage attirés par leurs performances technologiquesvii.

 

Introduire la question de la mobilité des femmes oblige à se pencher sur les besoins des usagers et à adopter des schémas de mobilité centrés sur l’usager. Il ne s’agit plus de savoir comment ce dernier s’adapte (ou pas en renonçant à des trajets) au système de transport mais comment ce dernier permet le développement économique et social pour tous et chacun. Ce changement de perspective oblige à  réviser le schéma utilitariste qui gouverne l’évaluation des projets de transport (action COST TEA).

 

 


Pour aller plus loin ...

i Dupont-Kieffer, A. et Zoran Krakutovski. 2012. Temps de transport au regard des changements démographiques en Ile de France : tendances passées et projections à l’horizon 2030, Recherche Transport Sécurité, vol. 27, 75-92.
ii Dupont-Kieffer, A. (ed). 2014. Proceedings of the Fifth International Conference on Women Issues in Transportation, FIA publications, Geneva (Novembre).
iii Predali, Frédérique. 2004. La mobilité comme révélateur de l’évolution des modes de vie des femmes. Les tendances des pratiques des femmes en milieu de vie en Ile-de-France depuis les années 1970.Thèse soutenue à l’Université Paris XII (réalisée au DEST/INRETS), 2004.
iv Rosenbloom, Sandra. 2006. Understanding women and men’s travel patterns: the research challenge. In Research on Women’s Issues in Transportation, Vol. 1 : Conference Overview and Plenary Papers, Transportation Research Board Conference Proceeding. Washington DC: National research Council, 7-28.
v Roux, Sophie, Armoogum, Jimmy et Clotilde Minster. 2014. Dynamics of car ownership and its use in France since the seventies: A gender analysis., in Proceedings of the Fifth International Conference on Women Issues in Transportation, FIA publications, Geneva (Novembre), 265-279.
vi Kaplan, Sigal Sigurdardottir, Sigrun, Sigal, et Mette Møller, 2014, Gender differences in the travel behaviour of adolescents and young adults in Denmark in Proceedings of the Fifth International Conference on Women Issues in Transportation, FIA publications, Geneva, Novembre, 297-307.
vii Waygood, Owen et Erel Aviner. 2014. Communicating transportation carbon dioxide information: Does gender impact behavioral response? Proceedings of the Fifth International Conference on Women Issues in Transportation, FIA publications, Geneva (Novembre), 163-179.