Des aides à la conduite jusqu’à l’automatisation du véhicule
Par Dominique Gruyer, Directeur de recherche en perception et fusion de données – Département COSYS, Laboratoire LIVIC
Depuis maintenant 3 décades, nous assistons au développement des systèmes avancés d'assistance à la conduite dits ADAS. Ces systèmes améliorent les aspects « sécurité », « énergie », « mobilité » et « confort ». Ils ne remplacent aucunement la tâche de conduite du conducteur mais lui apportent des aides informatives et actives.
Depuis peu, ces ADAS apparaissent comme une première étape indispensable avant la mise en œuvre des moyens de mobilité semi- ou totalement automatisés.
Ces nouvelles aides vont permettre d’optimiser les enjeux en garantissant une très forte fiabilité tout en prenant en compte le confort des usagers (pour une plus grande acceptabilité). A l’Ifsttar et plus particulièrement au LIVIC, ils ont été abordés dans de nombreux projets de recherche nationaux et européens1.
Des systèmes d’aide à la conduite reconnus
Les fonctions de confort visent à rendre la conduite plus facile et plus agréable pour le conducteur. C’est le cas du régulateur de vitesse (ACC2), de l’aide au stationnement (ParkingAssist), des essuie-glaces automatiques et du contrôle automatique des phares (orientation, zone, intensité). Les conducteurs apprécient particulièrement ces fonctions : en 2015, les applications les plus vendues étaient l’assistance au parking, la perception optique, et le régulateur de vitesse.
Côté sécurité, après l’ABS3 dès les années 1960, sont apparues l’ESC4 en 1995, le régulateur de vitesse ACC2 en 1997, l’amélioration de la vision nocturne en 2000, suivi de l’alerte de sortie de voie en 2001 et du freinage d’urgence en 2003.
Les questions environnementales ne sont pas oubliées, avec l’apparition d’informations pour minimiser la consommation (éco-conduite) et le développement de moyens de mobilité alternatifs (électrique, hydrogène, hybride).
Un dernier enjeu sociétal et scientifique concerne la mobilité des usagers. Sur ce point, des solutions sont encore à trouver pour améliorer significativement et efficacement les systèmes liés à la mobilité. Pour cet aspect, des adaptations spécifiques aux infrastructures et des moyens de mobilité multimodaux pertinents doivent être mis en œuvre. Les panneaux à messages variables (PMV), principalement installés sur les autoroutes, ont été parmi les premiers systèmes déployés. Plus récemment, de nouveaux systèmes coopératifs et communicants ont pris en compte les technologies mobiles pour optimiser la dynamique d’une flotte de véhicules (capacité, gestion de convois, insertion ou sortie de voie, etc.).
CARLLA : le prototype de l’Ifsttar dédié à l’automatisation de la conduite (projets ABV, Have-it, eFuture, etc.) Droits Ifsttar
En route vers l’automatisation
La plupart des systèmes mentionnés précédemment sont maintenant disponibles sur une large gamme de véhicules. L’état des recherches actuelles montre très clairement que nous sommes très proches d’une automatisation partielle de la conduite à basse vitesse dans des situations de trafic dense.
D’un point de vue plus global, ces applications et ces services sont encore installés de manière isolée et indépendante. Même si plusieurs ADAS sont présents dans un véhicule, ils sont encore considérés comme une aide au conducteur.
Pourtant, avec le nombre croissant de ces systèmes embarqués et l’augmentation de leurs capacités, de leur fiabilité et de leur robustesse, la situation évolue vers une conduite automatisée remplaçant le conducteur. Or, en cas de défaillance du système (capteurs, actionneurs, matériels électroniques, applications, etc.), il doit pouvoir avertir efficacement et rapidement le conducteur afin qu’il reprenne la main. Pour limiter les risques, dans cette situation de transition machine/humain, il faudra pouvoir prédire et anticiper les situations critiques. Cette étape de transition est actuellement un réel un verrou scientifique et technologique qui fait l’objet de recherche, etc.
Jusqu’à six niveaux d’autonomie
Récemment, la SAE5 a proposé une définition des six principaux niveaux d’automatisation identifiés. Les 3 premiers concernent uniquement l’aide apportée au conducteur qui conserve sa tâche d’observation de l’environnement et d’action sur le véhicule. Les 3 niveaux suivants définissent les modes d’automatisation possibles allant d’une automatisation partielle et partagée à une automatisation complète et sans conducteur.
Plus spécifiquement, le niveau 3 permet une reproduction de la tâche de conduite avec une reprise en main du conducteur en cas de problème. Le niveau 4, plus complexe, doit être en mesure de garantir un niveau de sécurité élevé. Ce niveau implique donc une compréhension, par le système, du comportement du conducteur et des stratégies de substitution, même en condition critique pour l’automate. Enfin, le dernier niveau concerne l’automatisation complète sans aucune intervention possible de l’humain.
1. Projets de recherche :
- Projets de recherche nationaux : LOVe (détection des vulnérables), ABV (automatisation basse vitesse), SCOREF (déploiement des communications dédiées aux transports) ;
- Projets de recherche européens : Have-it (automatisation en milieu autoroutier), eFuture (véhicule électrique automatisé), ecoDriver (eco mobilité).
- Projet de recherche internationaux : CooPerCom (perception et communication coopérative pour l’automatisation).
Ces travaux se poursuivent, entre autre, avec les projets SINETIC (plateforme de simulation multi-niveau pour les ADAS coopératifs), (en cours sur l’eco conduite), C-ROADS (systèmes coopératifs), CARTRE (Cooperative Support Action sur l’automatisation).
2. Adaptive Cruise Control ou régulateur de vitesse adaptatif
3. Système d'assistance au freinage (de l'allemand « Antiblockiersystem »)
4. Correcteur de trajectoire sous forme d’assistance électronique comprenant les fonctions d'antiblocage, de répartition, d'aide au freinage d'urgence, l'anti patinage, etc.
5. SAE International est une association mondiale de plus de 128 000 ingénieurs et experts techniques associés de l'industrie aérospatiale, automobile et des véhicules commerciaux. https://www.sae.org/misc/pdfs/automated_driving.pdf
Pour aller plus loin ...
- B. Vanholme, D. Gruyer, B. Lusetti, S. Glaser, S. Mammar, “Highly automated driving on highways based on legal safety”, in IEEE Transaction on Intelligent Transportation Systems, No 14 (1), pp 333-347, 2013.
- Laurène Claussmann, Marc Revilloud, Sébastien Glaser, Dominique Gruyer, “A Study on AI-based Approaches for High-Level Decision Making in Highway Autonomous Driving.” in the IEEE International Conference on Systems, Man, and Cybernetics. (IEEE SMC 2017), October 5-8, 2017 - Banff, Canada.
- Jacques Ehrlich, Dominique Gruyer, Olivier Orfila, Nicolas Hautière, « Autonomous vehicle: the concept of high quality of service highway », in FISITA World Automotive Congress 2016, 26-30 September 2016, Busan, Korea.
- D. Gruyer, S. Choi, C. Boussard, B. d'Andrea Novel , « From Virtual to Reality, How to Prototype, Test and Evaluate New ADAS: Application to Automatic Car Parking.”, Accepted in IEEE Intelligent Vehicles symposium (IV2014), Dearborn, Michigan, June 8 – 11, 2014, USA.