Vers une infrastructure routière hybride
Par Nicolas Hautière, Directeur de projet R5G à l'Ifsttar et chercheur du département COSYS
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- Le projet SCOOP véhicules et routes connectés
Du fait de son utilisation routière, le véhicule autonome continuera à interagir physiquement avec l’infrastructure, que ce soit sur des routes urbaines ou interurbaines. Mais, contrairement au véhicule conventionnel, il ne s’appuiera quasiment que sur ses capteurs pour décoder l’environnement dans lequel il évolue.
La route traditionnelle, qui tient actuellement compte des capacités de perception du conducteur, doit encore évoluer pour s’adapter à ce nouveau type de transport. Tout l’enjeu est de savoir évaluer la nature, l’ampleur et la temporalité de ces évolutions, afin d’en mesurer l’acceptabilité socio-économique.
Dans ce cadre, l’Ifsttar développe l’infrastructure à même de supporter le véhicule autonome. Celle-ci étant une composante de la Route 5ème Génération.
Des contraintes à anticiper
La route est conçue d’une part pour supporter les nombreuses charges roulantes et d’autre part pour permettre aux conducteurs de s’adapter aux conditions de circulation. Le véhicule autonome devra connaître toutes les caractéristiques de l’infrastructure, qu’il emprunte, pour circuler en toute sécurité.
Cependant, il peut lui-même remettre en cause les spécificités de l’infrastructure. Par exemple, en circulant de manière groupée et toujours au même endroit, un peloton de poids-lourds autonomes pourrait créer des dommages sur la chaussée. De la même façon, en roulant de manière trop rapprochée, ils sont susceptibles d’impacter les ouvrages d’art qu’ils franchissent.
Les équipements de la route, sont également concernés. Par exemple, les marquages routiers, initialement conçus pour être visibles pour l’œil humain, seront utilisés par les véhicules autonomes, afin de se localiser précisément sur leur voie de circulation. Cela oblige à s’intéresser au lien qui peut exister entre performance des caméras embarquées et visibilité des marquages.
La technologie numérique en renfort
Ce sont les capteurs, à bord de chaque véhicule autonome, qui seront en charge d’analyser la route. S’ils ne peuvent pas la décoder, un système embarqué de cartographie numérique prendra le relai pour apporter les informations manquantes. Ainsi, l’infrastructure physique deviendra peu à peu numérique.
L’enjeu est alors de concevoir cette infrastructure numérique et de la maintenir à jour, ce qui pose des problèmes de standard et de format pour l’échange de données. Cela soulève également des problématiques scientifiques. En effet, si la géométrie des routes évolue peu dans le temps (en dehors des zones de travaux), que penser de l’adhérence de la chaussée ou de la visibilité des marquages hautement sensibles à la météo ?
Pour des raisons d’alimentation et de mise à jour, l’infrastructure numérique devra être connectée avec les véhicules mais aussi les centres de gestion liés à la maintenance, au trafic et à la météo.
Une infrastructure nécessairement hybride
Ainsi, l’infrastructure pour le véhicule autonome sera hybride, c’est-à-dire à la fois physique et numérique. La connectivité de la route permettra à l’infrastructure numérique d’être mise à jour en permanence grâce à des unités de bords de route1 (technologie G5) ou à travers des réseaux cellulaires (de type 3G ou 4G).
En outre, cette infrastructure devra accueillir des véhicules avec différents niveaux d’autonomie (de 0 à 5) ainsi que des usagers vulnérables. Ces interactions devront se faire en toute sécurité tout en ne perturbant pas la fluidité du trafic.
1. Les unités de bords de routes (UBR) ont pour fonction de coordonner l’ensemble des objets connectés, sur la zone de couverture, qu’ils soient statiques ou mobiles.
Pour aller plus loin ...
- Hautière, N., De-La-Roche, C. et Op-De-Beek, F. Comment adapter les infrastructures routières aux enjeux de la mobilité de 2030. In TEC : Transport Environnement Circulation, 217: 25-32, 2013.
Lepert, P., Hautière, N., 2010. Projet DIVAS : Dialogue Infrastructure Véhicules pour Améliorer la Sécurité routière. Hermès.
Hautière, N., Tattegrain, H., Guilbot, M. Véhicules connectés et autonomes : quels enjeux technologiques, juridiques et de sécurité routière ? Hygiène & Sécurité du Travail - No 246, pages 100-103, mars 2017.
Hautière, N., L’infrastructure routière devra-t-elle être aussi intelligente que les véhicules ? TEC, N°231, 2016.