Anticiper les relations entre les piétons et les véhicules autonomes
Par Aurélie Dommes, chercheur en psychologie cognitive et Jean-Michel Auberlet, chercheur en intelligence artificielle
Département COSYS, Laboratoire LEPSIS
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- Le dossier thématique sur la sécurité du piéton
- Les différents simulateurs du LEPSIS
Les récentes évolutions technologiques vont faire des véhicules à conduite déléguée, dits autonomes, de futurs acteurs du trafic routier en France et dans les pays industrialisés.
Ces véhicules équipés de capteurs seront capables, notamment, de détecter un piéton à une distance plus ou moins grande, et ses algorithmes calculeront des commandes motrices permettant d’entreprendre une action adaptée (freiner, ralentir, déboîter, etc.). Ces avancées technologiques et scientifiques permettraient donc de réduire le nombre d’accidents, impliquant des piétons, grâce à des interactions plus sûres. En effet, les véhicules autonomes pourraient pallier les erreurs humaines, qu’elles proviennent du conducteur ou du piéton.
Des comportements et des réactions encore inconnus
Au-delà des fortes contraintes techniques (ex. capacités de détection des capteurs, prédictibilité, robustesse, souplesse des algorithmes, etc.), cet objectif ne sera toutefois atteint que si les véhicules autonomes et les piétons cohabitent et interagissent entre eux en toute sécurité.
Or, à l’heure actuelle nous manquons de connaissances, mêmes expérimentales, sur la manière dont un piéton pourrait se comporter face à un véhicule autonome. La question se pose notamment en situation de traversée de rue, moment clé le plus à risque de ces interactions. En effet, le piéton étant positionné sur la chaussée, ou désirant s’y rendre, est en situation potentielle de collision imminente avec un véhicule à l’approche. Quelques travaux ont été menés à l’international (ex. Rothenbücher et al., 2016), mais ils ne permettent pas de conclure solidement à des comportements piétons bien spécifiques (imprudents, plus prudents, etc.).
Des technologies pour anticiper les intentions du piéton
Une autre difficulté à lever concerne la capacité des capteurs et des algorithmes du véhicule autonome à détecter l’« intention » du piéton de traverser la rue. Plus précisément, il s’agit de connaître les critères et les variables à utiliser pour déterminer si le piéton a l’intention imminente de traverser la rue tout en tenant compte du code de la route en France (art R415-111) « Tout conducteur est tenu de céder le passage, au besoin en s'arrêtant, au piéton s'engageant régulièrement dans la traversée d'une chaussée, ou manifestant clairement l'intention de le faire, ou circulant dans une aire piétonne ou une zone de rencontre ».
Des études qui peuvent être menées en milieu virtuel
La réalité virtuelle, grâce aux développements de simulateurs et d’environnements peuplés tels que ceux du LEPSIS, peut permettre de répondre, en tout ou partie, aux défis d’intégration des véhicules autonomes au trafic routier. Ainsi, il serait possible de placer un sujet piéton dans un environnement peuplé de personnages non joueurs et de véhicules autonomes.
Afin d’apporter des éléments de réponses à ces questions de prédiction d’intention et de comportements des piétons vis à vis des véhicules autonomes, une étude collaborative entre l’Ifsttar (LEPSIS et LBMC2) et l’Institut Vedecom est en cours, sur simulateur grande-échelle de traversée de rue.
1. Article R415-11 du code de la route
2. Le Laboratoire de Biomécanique et Mécanique des Chocs (LBMC UMR_T9406) est une unité mixte de recherche entre l’IFSTTAR (Institut Français des Sciences et Technologies des Transports de l’Aménagement et des Réseaux) et l’Université Claude Bernard Lyon 1 (première université française en sciences médicales)
Pour aller plus loin ...
- Rothenbucher, D., Li, J., Sirkin, D., Mok, B., & Ju, W. (2016). Ghost driver: A field study investigating the interaction between pedestrians and driverless vehicles. In 2016 25th IEEE International Symposium on Robot and Human Interactive Communication (RO-MAN) (pp. 795–802).