Impacts du véhicule autonome sur les territoires et sur les modes de vie

Dossiers thématiques juin 2017 InnovationTransportSécurité routièreComportement humain

Par Olivier Bonin, chercheur en géographie et directeur adjoint du LVMT  - Département AME

Du point de vue de sa fonction et de son usage, la voiture autonome est un véhicule traditionnel mais avec un conducteur robotisé. Qu’il soit individuel ou collectif (taxi et autobus), ce type de véhicule rendra les mêmes services que précédemment. Pour l’Ifsttar, Il est peu probable que le véhicule autonome bouleverse radicalement les modes de vie.

 

Le véhicule autonome peut-il modifier les modes de vie ?Droits chesky_w pour Epictura

Si le parc automobile individuel est remplacé progressivement par des voitures (de plus en plus) autonomes, l’impact sur les pratiques de mobilité sera limité. A long terme, nous pouvons cependant envisager des conséquences sur le choix modal (désintérêt pour le transport en commun si la voiture apporte plus de sécurité et de confort), l’organisation des activités du quotidien (notamment pour les achats), le télétravail (pratiqué au cours des déplacements) et la mobilité des jeunes et des personnes âgées.

Si le véhicule devient complètement autonome et partagé, il remplacera partiellement ou complètement l’offre de transport collectif public et privé type navettes de ramassage scolaires. De telles navettes autonomes sont déjà en cours de déploiement sur de petits trajets urbains. Elles circuleront, dans un premier temps, sur des itinéraires fixes et des voies dédiées afin d’être testées. A plus long terme, ces navettes pourront être très flexibles dans leurs trajets et leurs horaires, permettant d’optimiser l’offre de transport.

 

Le reflet des transformations industrielles de notre époque

En remplaçant le chauffeur privé, de taxi et le conducteur de bus par des machines, le véhicule autonome s’inscrit dans la tendance à une mécanisation prononcée de la production industrielle. En abandonnant une partie de son libre-arbitre à une machine, l’homme est questionné de manière fondamentale dans son rapport à la technologie. Les acteurs industriels, quant à eux, vont introduire de nouveaux modèles d’affaire et proposer de nouveaux services (par exemple regarder de la publicité à bord du véhicule pour réduire le prix du trajet). De ce fait, le rapport au véhicule autonome ne sera pas le même que celui au véhicule traditionnel (cf. travail de l’ITE Efficacity).

 

Des perspectives en lien avec le désintérêt  pour la notion de propriété individuelle

De manière indépendante de l’automatisation des véhicules, les ménages sont de moins en moins motorisés dans les centres des grandes villes. Ils privilégient des modes d’utilisation collective : location, auto-partage, covoiturage1. L’appropriation de la robotisation permettra alors d’imaginer des véhicules qui rouleront plus. La flotte en service sera mieux gérée et plus utilisée. Des véhicules mieux entretenus et plus récents seront moins polluants et moins émetteurs de gaz à effets de serre (GES). Toutefois les gains pourraient être limités voire annulés par une possible hausse de la mobilité (des hommes mais aussi des marchandises) et des distances parcourues.

 

L’espace public à repenser pour tous les usagers

La circulation automobile impacte de manière importante l’espace public : voiries, places de stationnement, stations-service, etc. La robotisation des véhicules ne réduira pas l’impact de la voiture sur l’espace public, mise à part une possible diminution du stationnement. Elle imposera cependant de repenser l’aménagement urbain, pour incorporer les éléments indispensables au guidage des véhicules ou encore à la prise en charge de passagers en toute sécurité.

C’est l’occasion de repenser la limite espace public/privé et la forte segmentation entre usagers qu’il est coutume d’instaurer (trottoirs pour les piétons, pistes cyclables pour les cyclistes, couloirs spécifiques pour les autobus, espace restant de la chaussée dédié aux automobiles).

 

Droits SIphotography pour Epictura

Un nouveau facteur d’étalement urbain ?

L’accès à l’automobile au milieu du XXe siècle a été un facteur déterminant de l’étalement urbain et de la périurbanisation. La voiture individuelle a permis de s’installer plus loin des villes, où l’accès au logement individuel est possible, moins onéreux et dont le cadre de vie correspond aux aspirations des français. Si la robotisation permet de gagner encore en confort, par exemple en permettant des activités professionnelles ou de loisirs pendant les trajets, le véhicule autonome pourrait favoriser à nouveau l’étalement urbain.

 

 

1. Projet ANR MoDe (Motives for Demotorisation ) piloté par le LVMT.