Comprendre la gêne et les effets du bruit
Patricia Champelovier - Département AME, Laboratoire LTE
Plus de la moitié de la population mondiale réside dans les villes où le bruit s’est imposé comme une nuisance générant des effets sur notre santé et plus généralement notre bien-être. Mieux connaître ces effets, c’est tout d’abord évaluer la gêne due au bruit des riverains d’infrastructures de transport, puis comprendre, prédire et anticiper les réactions de la population face à un changement dans son environnement sonore, et enfin, aider aux choix de solutions répondant à des objectifs de durabilité et de qualité de vie.
La perception du bruit, au delà d’une simple réponse à un niveau de bruit
Le bruit est considéré comme une nuisance ; c’est « une émanation sonore non désirée »1. Cette définition comporte deux composantes : une physique – ce qu’entend l’oreille, une psychologique – ce que ressent l’individu. Pour le psychologue, étudier la perception c’est s’interroger sur la façon dont les individus interprètent les informations issues de l’environnement. Cette interprétation dépend de nos représentations, nos connaissances, nos expériences antérieures, nos attentes, nos motivations. Ce que nous percevons n’est donc pas uniquement le « reflet » du monde physique2.
Les effets du bruit : de la gêne à la santé
Le bruit est source de stress pour l’individu. Des expositions durables peuvent augmenter le risque d’effets chroniques sur la santé (notamment cardio-vasculaires) et générer une consommation accrue de certains médicaments.
Les effets du bruit sur la qualité de vie des individus sont multiples : interférences avec la parole, qualité du sommeil, altération des performances. Ils peuvent également conduire à des modifications des comportements au domicile (fermeture des fenêtres, usage des pièces et des espaces extérieurs, insonorisation, déménagement, etc.).
La gêne due au bruit est définie comme une sensation subjective. Liée aux caractéristiques du bruit, elle est aussi modulée par des facteurs individuels (fonction du logement, sensibilité au bruit, expérience au bruit, être usagés ou non des moyens de transports) dépendant du type d’habitat ou sociaux-culturels (image de la source, attentes vis-à-vis des pouvoirs publics).
Cette gêne est évaluée à l’aide de questionnaires (échelles de gêne verbale3 ou numérique). Les réponses sont confrontées aux indices acoustiques d’exposition au bruit, mesurés au domicile des personnes interrogées.
Depuis de nombreuses années, l’Ifsttar mène ainsi des enquêtes in situ pour évaluer la gêne due au bruit des transports (trafic routier, trains, avions4). Le LTE s’implique actuellement dans la problématique de l’exposition à plusieurs sources de bruit. L’objectif est de mieux comprendre les mécanismes de perception et de gêne engendrés dans ces situations sonores complexes, de plus en plus fréquentes, notamment en milieu urbain. En complément, des expérimentations en laboratoire5 sont initiées permettant de simuler des situations environnementales, existantes ou non, et de recueillir leur évaluation par des sujets.
Les résultats de ces recherches ont permis de mieux considérer la gêne due au bruit lors de la construction de nouvelles infrastructures et de contribuer à l’élaboration de règlementations visant la protection des riverains.
1 Moser, G. (2009) Psychologie environnementale, éditions De Boeck, 298 p.
2 Bonnet, C., Ghiglione, R., Richard, JF. (1989), Traité de psychologie cognitive, Tome 1 : Perception, action, langage, éditions Dunod, 266 p.
3 Afnor – Norme ISO/TS 15666/2003 : Évaluation de la gêne causée par le bruit au moyen d’enquêtes sociales et d’enquêtes socio-acoustiques.
4 Le LTE est actuellement impliqué dans le projet http://debats-avions.ifsttar.fr/ (recherche épidémiologique pilotée par l’ UMRESTTE Département TS2, qui porte sur les liens entre exposition au bruit des avions et santé).
5 Les expérimentations se déroulent au LSEE (Laboratoire de Simulation et d’Évaluation de l’Environnement), équipement scientifique du LTE.