Limiter le bruit des infrastructures ferroviaires

Dossiers thématiques avril 2014 Ville

Olivier Chiello - Département AME, Laboratoire LAE

MAJ le 18/09/17,

 

Habiter à proximité d’une ligne de chemin de fer, de tramway ou de métro peut s’avérer éprouvant pour nos oreilles. Pour atténuer le bruit au passage des trains, il est possible d’installer des écrans acoustiques le long des voies ou d’accroître l’isolement de façade des bâtiments concernés. Néanmoins, le moyen le plus direct et souvent le plus efficace est d’agir à la source. Comment s’y prendre ?

 

Identifier les sources de bruit

Aux basses vitesses, c’est plutôt le bruit dû aux organes de traction (moteurs, auxiliaires, ventilateurs) qui prédomine. Le bruit de roulement lié au contact desLocalisation et caractérisation des sources de bruits au passage d’un tramway par antenne microphonique (crédits Ifsttar). roues sur les rails devient prépondérant aux vitesses supérieures. Dans le cas des trains à grande vitesse, le bruit aérodynamique apparaît au-delà de 300 km/h. D’autres sources interviennent dans des situations particulières, comme les bruits de crissement dans les courbes de faible rayon ou les bruits de freinage à l’arrivée en gare. À proximité des rames, les niveaux peuvent alors dépasser les 100 dB(A) ! Enfin, les vibrations transmises par le sol, les ponts ou les tunnels, peuvent devenir problématiques dans certains cas, notamment en milieu urbain.
Pour localiser et caractériser les sources, on utilise souvent des antennes microphoniques. Concernant le ferroviaire, une part importante du bruit est due aux rails qui peuvent vibrer sur plusieurs dizaines de mètres. Or les techniques d’antennerie classiques ne sont pas adaptées à ce type de sources étendues. Des recherches menées au LAE ont ainsi débouché sur la proposition de méthodes alternatives pour mieux identifier leur contribution1.

 

 

Comprendre les mécanismes de génération du bruit

Le bruit de roulement a fait l'objet d'une recherche considérable depuis une vingtaine d’années. On sait aujourd’hui que ce bruit est dû à la mise en vibration conjointe des roues et de la voie par les irrégularités des surfaces de contact. En comparaison, la compréhension des autres mécanismes reste limitée.
Par exemple, éclaircir l’origine des bruits de crissement constitue un vrai défi. Dans le programme de recherche AcouFren2, le LAE a conduit des recherches avec cet objectif en partenariat avec le Laboratoire de Tribologie et de Dynamique des Systèmes de l’École Centrale de Lyon3. Grâce à une stratégie combinant modélisation et expérimentation, les travaux ont abouti à des avancées significatives qui montrent que le bruit de crissement a pour origine un phénomène complexe d’instabilité vibratoire des structures en contact frottant.

 

 

 

Animation : Modèle numérique d’un système de frein à disque ferroviaire développé dans le cadre du projet AcouFren. Lorsque le disque tourne, le frottement des garnitures sur le disque est instable et l’ensemble de la structure se met à vibrer à des fréquences souvent très aigues. Du bruit est alors généré, en particulier par le disque qui agit comme un haut-parleur.

 

 

Concevoir et tester des solutions

Concernant le bruit de roulement, les solutions sont aujourd’hui bien connues : le maintien d’un bon état de surface roue/rail d’abord (utilisation de semelles de freins en matériaux composites), l’atténuation des vibrations ensuite (absorbeurs dynamiques sur les rails). Aujourd’hui, l’enjeu consiste à optimiser ces solutions en prenant en compte les autres contraintes.
Pour les autres sources, les recherches de moyens de réduction sont encore souvent empiriques. Le développement de solutions optimisées va donc de pair avec une meilleure compréhension des mécanismes de génération. Pour le crissement au freinage par exemple, un volet du projet AcouFren a été consacré au développement et au test de garnitures de freins moins bruyantes. Un logiciel a été développé pour tester l’effet des paramètres mécaniques des garnitures sur le bruit émis4.

 

 


1 Baldrik Faure, Caractérisation du rayonnement acoustique d'un rail à l'aide d'un réseau de microphones, thèse de doctorat de l’Université de Grenoble, 2011.
2 « AcouFren », Outils d'aide à la spécification et à la conception de freins à disques ferroviaires optimisés vis à vis du crissement, programme de recherche 2010-2014, financé par l’ADEME et piloté par la SNCF.
3 Andréa Loyer, Étude numérique et expérimentale du crissement des systèmes de freinage ferroviaires, thèse de doctorat de l’École Centrale de Lyon, 2012.
4 Chiello et al., Squeal noise generated by railway disc brakes: experiments and stability computations on large industrial models, Proceedings of the 21st International Congress on Acoustics, Montréal, 2013.