L’écomobilité repose avant tout sur de nouveaux comportements

Deux des animateurs de l’axe « Mobilité » du contrat d’objectif de l’Ifsttar (2013-2016), Samuel Sellam et Ludovic Leclercq, tous deux directeurs de recherche, évoquent les travaux de l’Institut en matière d’écomobilité : un sujet complexe dans lequel interfèrent le comportement des usagers et la gestion des systèmes de mobilité par les exploitants et où doivent être considérés tant les améliorations de chaque mode de déplacement (individuel ou collectif) que leur fonctionnement optimal combiné (multi- et inter-modalité).
« L’écomobilité permettra d’améliorer l’efficacité des transports mais aussi de réduire leur empreinte énergétique et leurs émissions de polluants, résume Samuel Sellam. Au-delà des nouvelles technologies – source des principales marges de progrès -, cela suppose d’optimiser les systèmes actuels pour réduire la consommation de chaque mode de transport. Mais surtout, il s'agit d’infléchir les comportements pour favoriser une conduite économe, des choix de modes de transport plus efficaces ou une utilisation accrue de services de mobilité. »
« Nous travaillons, comme toujours, à la fois sur les technologies et sur les usages », poursuit Ludovic Leclercq. L’Ifsttar étudie notamment les réactions des conducteurs et leur compréhension face à des informations d’écoconduite. C’est l’ultime marge de progrès, le gain peut atteindre ou même dépasser les 10% de la consommation de carburant (donc des émissions de gaz à effet de serre) lorsque toutes les améliorations technologiques auront été intégrées et que l’objectif des 2 l/100km aura été atteint. « Nous étudions notamment comment exploiter les préconisations d’écoconduite plutôt inattendues de chercheurs de l’Institut, précise Samuel Sellam ; par exemple atteindre rapidement la vitesse de croisière, plutôt que de conduire en souplesse. » Un prototype d’interface homme-machine est en cours de test sur simulateur de conduite pour informer visuellement le conducteur sur la conduite optimale, en fonction du trajet et du trafic, et tester sa compréhension et ses réactions.
Côté exploitant, beaucoup de progrès sont en cours dans le monde, notamment sur la gestion optimisée des bus. L’Ifsttar a ainsi testé à Versailles l’amélioration du pilotage centralisé des carrefours à feux pour optimiser la circulation des bus. « Autre exemple : pour améliorer l’efficacité des lignes de bus et la consommation, nous développons un algorithme pour assister les conducteurs sur la gestion de leur vitesse en fonction de leur parcours et des positions des autres bus de la ligne », ajoute Ludovic Leclercq.
Optimiser la mobilité suppose d’optimiser chaque moyen de transport mais aussi de favoriser l’intermodalité pour passer simplement d’un mode à un autre. L’Ifsttar développe des solutions pour fournir à l’usager des options de trajets multimodaux.
« Par ailleurs, les nouvelles technologies bouleversent désormais le recueil de données, ajoute Ludovic Leclercq : ainsi, nous prévoyons de suivre les déplacements d’un panel de volontaires grâce à des applications sur leur smartphone, pour comprendre leur comportement et leurs motivations. Ces données nous permettent aussi de fournir des informations en temps réel, avec l’objectif, à terme, de confier à son seul téléphone le choix des modes de transport. Enfin, elles devraient nous aider à optimiser le système global, particulièrement complexe à modéliser. » D’autant plus en France où chaque exploitant gère son réseau localement. « Nos systèmes de gestion de trafic multimodaux permettent déjà aux opérateurs de mieux réguler leur propre réseau, comme à Toulouse ou à Bruxelles, confirme Samuel Sellam. L’objectif, à terme, est la gestion multimodale intégrée des flux routiers et de transports en commun. On en est loin : on sait mesurer les flux, pas encore les trajets complets, ni tenir compte suffisamment des impacts de l’offre sur la demande ou de la congestion sur les changements de comportements. » L’Ifsttar étudie aussi l’impact de nouveaux services comme le vélo-partage ou l’auto-partage, notamment à Paris, pour analyser les motivations des usagers et leurs trajets, à partir des données des gestionnaires.